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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

elle-même sa nudité, et qui se présente à vos yeux sans crainte, sans embarras, est aussi bien protégée contre vos désirs que les femmes de l’Orient sous les voiles impénétrables qui les couvrent tout entières. Il y a long-temps que les voyageurs ont remarqué, à l’avantage des Indiens, que jamais on ne voit parmi eux aucune action qui puisse blesser la décence, et ce fait est exactement vrai. Les idées de ce genre sont tellement relatives, que lorsqu’ils viennent à Cayenne avec leurs femmes et leurs filles, personne ne fait attention à la simplicité du costume de ces dernières. Que serait-ce si une femme blanche paraissait dans le même état !

Les Indiens, toujours plus ou moins barbouillés de genipa ou de rocou, paraissent sales, et cependant leur propreté est extrême : la première action des deux sexes, en sortant de leurs hamacs, à la pointe du jour, est de prendre un bain dans la rivière, et il est rare qu’ils ne le renouvellent pas au moins une fois dans la journée. Ils se lavent également les mains et la bouche avec soin après chaque repas. Quelques personnes prétendent qu’ils exhalent, comme les nègres, mais à un moindre degré, une odeur particulière et désagréable : j’avoue que je n’ai jamais pu m’en apercevoir. Eux-mêmes cependant semblent en convenir, car ils prétendent que le jaguar sait les reconnaître à ce caractère, et qu’il les attaque de préférence lorsqu’ils voyagent en compagnie avec des blancs. Ce fait, déjà mentionné par d’autres voyageurs, m’a toujours paru douteux.

J’ajouterai à ces détails un mot sur les langues que parlent ces Indiens. Trois principales sont en usage dans l’Oyapock : le galibi, mère commune d’une partie de celles qui sont répandues dans toute l’étendue de la Guyane, et qui sert aux différentes peuplades à se comprendre quand leurs idiomes propres diffèrent entre eux ; le palicour, particulier à la nation de ce nom, et l’oyampi, qui est en usage à partir du Camopi. Les Pirious s’en servent habituellement ; les Marawanes ont aussi leur langage particulier qu’ils ont apporté du Brésil. Ces langues sont douces sans être harmonieuses, et la plupart des Indiens les parlent toutes trois. Il en résulte une grande difficulté de faire un bon vocabulaire de chacune d’elles séparément, les Indiens empruntant indifféremment à l’une ou à l’autre les noms des objets qu’on leur demande, et il n’est pas toujours fa-