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querelles domestiques y sont inconnues. Les occupations des deux sexes sont tellement distinctes, que jamais l’un n’empiète sur les fonctions de l’autre ; la seule marque d’infériorité qui distingue les femmes, est qu’elles ne prennent jamais leurs repas en même temps que les hommes, et ne mangent qu’après eux, non leurs restes, mais ce qu’elles ont mis à part pour elles-mêmes avant de les servir. Pendant mon séjour parmi les Indiens, séjour bien court, il est vrai, je n’ai été témoin que d’un seul acte de violence envers une femme, et encore eut-il tous les caractères d’une correction administrée de sang-froid : cette Indienne, au lieu de préparer le repas de son mari, qui était à la chasse, passa son temps à dormir dans son hamac ; l’Indien, ne trouvant rien à manger à son retour, fit signe à sa femme de le suivre dans le bois, ce qu’elle exécuta sans résistance, et tous deux revinrent un instant après au carbet, comme si rien ne se fût passé. Le tout fit si peu de bruit, que je n’en aurais pas eu connaissance, si un des assistans ne m’eût expliqué ce qui venait d’avoir lieu.

On a accusé les Indiens de jalousie, et avec raison ; la mort est la punition ordinaire de la femme adultère et de son complice : il est rare que le mari outragé leur fasse grâce, ce qui n’empêche pas qu’ils ne s’enlèvent quelquefois leurs femmes les uns aux autres, quand ils sont las des leurs. Quant à leurs filles, ils les laissent jouir d’une liberté complète, à moins qu’elles ne soient fiancées à quelque Indien, chose qui a lieu souvent dès leur plus tendre enfance. Mais on voit bien peu de blancs contracter avec elles de ces unions libres et quelquefois de longue durée, comme ils le font si fréquemment avec des femmes de couleur et des négresses. Outre leur ignorance de nos usages et leur indolence, les Indiennes ont rarement reçu en partage une figure agréable, quoique leurs traits respirent en général une grande douceur.

C’est une erreur de croire que l’absence du vêtement le plus indispensable, assez fréquente chez elles, entraîne aucun dérèglement dans leurs mœurs. Cet état, si révoltant pour nous, a une conséquence tout opposée à celle qu’on lui attribuerait au premier coup-d’œil, et ne s’oppose pas à ce qu’il existe dans l’état de nature une pudeur tout aussi réelle que celle qui est un des plus heureux résultats de la civilisation. L’Indienne, qui semble ignorer