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Mais, messieurs, dans la situation particulière où je me trouve, incertain du temps qui m’est accordé, je dois borner ce genre de considération à une époque déterminée de notre littérature ; j’ai choisi celle qui précède et ouvre toutes les autres : le moyen âge.

Nous aurons premièrement à examiner quelles circonstances ont préparé les commencemens de la littérature française, quels peuples ont mis la main à cet ouvrage naissant. Nous rechercherons ensuite quelle action cette littérature elle-même a exercée sur les autres littératures de l’Europe moderne ; nous ferons le compte, pour ainsi parler, de ce qu’elle a donné et de ce qu’elle a reçu ; nous établirons la balance des richesses qu’elle a recueillies dans son sein et des trésors qu’elle a répandus sur le monde.

Nous étudierons d’abord l’influence de l’antiquité.

Comme la langue latine a été la source de notre langue, comme les ruines de la civilisation romaine ont été le berceau de notre civilisation, ainsi les littératures de la Grèce et de Rome ont été les premières nourrices des lettres françaises. Même dans les âges d’ignorance, la lumière de l’antiquité ne s’est jamais complètement éteinte au milieu de nous ; elle y brille parmi les ténèbres des temps les plus reculés. Massalie répand sur quelques-uns de nos rivages, avec le langage de la Grèce, la politesse de ses mœurs et l’élégance de son génie. Rome envahit la Gaule, rapidement soumise à ses armes, et bientôt romaine par la langue et les coutumes. Après que les barbares sont venus et ont mis tout en confusion, Charlemagne paraît qui, voulant relever de terre la civilisation romaine tombée, ouvre les écoles, appelle les savans, fonde notre université de Paris ; et le mouvement qu’il a imprimé n’est jamais entièrement suspendu, jusqu’à ce qu’au seizième siècle s’accomplisse, par le concours de Constantinople qui meurt, et de l’Italie qui ressuscite, cette rénovation des lettres françaises, que l’empereur germain avait tenté d’accomplir à lui seul. — Dans cet intervalle, on aime à suivre les effets de cette étude qui ne cesse point, à observer quels auteurs de l’antiquité sont copiés de préférence dans les cloîtres, quels sont les plus goûtés, les plus répandus, les plus imités ; chose frappante et pourtant naturelle ! ce sont souvent les moins parfaits, ceux de l’époque du Bas-Empire ou de la latinité corrompue ; c’est Prudence pour Virgile, c’est Orose au lieu