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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

nous rendre près de la peuplade dont ils nous avaient parlé ; mais ils nièrent tous, avec sang-froid, qu’ils en connussent aucune, et malgré tous nos efforts, il nous fut impossible d’en tirer une autre réponse. Ces dénégations nous étonnèrent peu ; les Brésiliens traitant les Indiens presque comme des esclaves, leur inspirent une frayeur excessive, et quand bien même on parviendrait à les déterminer à entreprendre un voyage dans les établissemens situés sur les bords de l’Amazone, on ne pourrait jamais avoir la certitude qu’ils l’achèveraient. Le premier canot qu’ils apercevraient monté par des blancs, suffirait pour les mettre en fuite. Lorsque les Portugais s’emparèrent de la Guyane française en 1808, les Indiens de l’Oyapock se retirèrent dans le haut de la rivière et cessèrent toute communication avec la colonie. Ils ne reparurent qu’en 1817, quelque temps après que les Français en eurent repris possession.

Ne voyant aucune possibilité de pénétrer plus avant, et la saison des pluies se prononçant chaque jour davantage, je résolus de quitter M. Adam de Bauve et de revenir sur mes pas. Mes forces étaient d’ailleurs épuisées par la fatigue, une nourriture souvent insuffisante, et une fièvre lente qui ne me laissait aucun repos depuis un mois. Je proposai à quelques-uns des Indiens que nous étions venus visiter de m’accompagner ; trois y consentirent et me demandèrent chacun pour salaire un sabre, un couteau et un calimbé de toile bleue, le tout valant à peine 5 francs. Pour cette modique rétribution, ils s’engageaient à faire un voyage de deux cents lieues tant pour aller que pour revenir, car nous étions alors à cent lieues de l’embouchure de la rivière. Le possesseur du canot que nous avions vu en débarquant me le loua pour quelques bagatelles du même genre, et je m’estimai heureux de le trouver, bien qu’il fût en très mauvais état. Mes Indiens le réparèrent tant bien que mal, établirent un pomacary à l’arrière, et, au bout de deux jours, je fus prêt à partir. J’emportais avec moi une riche collection d’objets d’histoire naturelle et un assez grand nombre d’animaux vivans qui encombraient le canot et ne cessaient de m’étourdir de leurs cris. Mes trois Oyampis ne comprenaient pas un mot de français, et de mon côté je savais à peine quelques mots de leur langue, de sorte que nous ne pouvions nous entendre que par signes. Aucun d’eux