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que le langage, la religion, la philosophie, en un mot que la société dont les écrits des Brahmanes sont le produit et l’image, existait déjà, quatre siècles au moins avant notre ère, et, chose remarquable, que cette société ne devait pas différer beaucoup de celle que nous voyons encore de nos jours établie dans la totalité de l’Inde.

Au-delà de cette époque, les documens nationaux et étrangers laissent, il est vrai, l’historien dans une obscurité profonde. Mais ces ténèbres peuvent n’être pas tout-à-fait impénétrables à la lumière de la philologie et de la critique. Ainsi l’invasion d’Alexandre deviendrait le point fixe d’où il faudrait partir pour remonter dans les temps antérieurs, et chercher à y découvrir, sinon la date de la formation de la société brahmanique, au moins la preuve de son antique existence. Il faudrait se demander si un peuple, parvenu trois cents ans avant notre ère à un aussi haut point de culture, n’avait pas dû auparavant traverser bien des siècles de tentatives et d’efforts ; car, s’il est permis d’accorder à la vivacité du génie oriental le don de se produire presque spontanément, et de franchir d’un seul bond l’intervalle qui sépare l’enfance de l’âge mûr, on ne peut nier que les nations n’aient besoin, pour se réunir et se fonder, des longs essais de l’expérience, et que le développement matériel des sociétés ne soit soumis partout à des lois à peu près invariables, et dont l’action régulière laisse en quelque façon conjecturer le plus ou moins de durée. Il faudrait surtout interroger la langue, cette expression d’autant plus naïve de la pensée qu’elle est plus ancienne ; rechercher si ses formes apprennent quelque chose sur son âge, quelle place elle occupe dans la famille à laquelle elle appartient ; et alors la question, changeant de théâtre, devrait embrasser tous les dialectes alliés au sanscrit, et se transformer en un problème de philologie comparative et d’ethnographie. En dehors de l’Inde, un idiome ancien et encore peu connu, celui des livres de Zoroastre ; dans l’Inde, deux dialectes que l’on peut dire dérivés du sanscrit, le pali et le prakrit, deviendraient l’objet d’observations curieuses et de rapprochemens du plus grand intérêt. L’idiome ancien de la Bactriane, le zend, semblable dans sa structure au sanscrit et aux dialectes qui en dérivent, mais moins poli et plus rude, reporterait l’historien