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l’histoire politique de l’Inde ancienne, et c’est comme par un acte de foi que nous croyons qu’elle est ancienne ; car parmi tant d’ouvrages, fruit de l’imagination la plus poétique, des méditations les plus hardies, de la raison la plus exercée, on n’a pas encore rencontré de livres historiques, et l’on ne sait dans quelle période placer ces monumens de l’existence d’un peuple qui a gardé sur ses destinées un silence inexplicable. À ces preuves si variées et si frappantes d’une savante et longue culture, il manque la preuve même de leur ancienneté, l’indication de leur date. Le travail des siècles a pu seul accumuler l’une sur l’autre ces cosmogonies gigantesques, ces poèmes immenses, ces traités si approfondis de philosophie et de législation. Mais quand ce travail a-t-il commencé ? Et cette œuvre, qui se perpétue jusque dans des temps si rapprochés de nous et presque sous nos yeux, est-elle d’hier, ou remonte-t-elle, comme le croient les Brahmanes, aux premiers âges du monde ? Quand on peut se faire de pareilles questions sur l’histoire d’un peuple, tous les doutes sont permis à la critique, mais on doit convenir aussi que sa hardiesse perd beaucoup de son mérite. Le scepticisme s’est cependant attaqué à la fabuleuse histoire de l’Inde, avec autant d’ardeur que les Brahmanes mettent de sang-froid à en affirmer la certitude ; et, comme leurs périodes mythologiques attribuaient à la civilisation indienne une ancienneté incroyable, on n’a pas voulu admettre qu’il y eût rien d’ancien chez eux. Parce que les Brahmanes avaient trop demandé à la crédulité facile des peuples auxquels ils ont donné des lois, la critique soupçonneuse de quelques Européens leur a tout refusé. Mais le bon sens qui fait justice des exagérations de l’esprit oriental, et qui sait y admirer encore la poésie et la hardiesse des conceptions, doit se garder des excès d’un scepticisme sans grandeur ; et parce qu’il est impossible de prouver que les Védas soient sortis de la bouche de Brahma lui-même, il n’est pas permis d’affirmer qu’ils sont une œuvre récente, dénuée d’authenticité et de valeur. Qui sait, si quand la masse entière de la littérature indienne sera devenue accessible aux recherches de l’érudition, il ne sera pas possible d’y découvrir des renseignemens historiques qui permettent d’en retrouver et d’en suivre le développement ? Jusqu’à cette époque, la réserve, qui en toute matière est un mérite, est ici un