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LITTÉRATURE SANSCRITE.

qu’il échappe aux souvenirs de l’histoire ? Si l’on ne peut espérer que ces problèmes doivent être tous complètement résolus, on est du moins en droit d’affirmer que la connaissance du sanscrit est la seule capable de les éclaircir. D’ailleurs, quand même la question historique devrait rester à jamais insoluble, c’est déjà un fait établi que l’identité fondamentale du sanscrit, du grec et du latin ; et nous pouvons ajouter que ce résultat ne peut que gagner en certitude à mesure que les comparaisons s’étendront à de nouveaux dialectes, appartenant à la même famille, et que l’analyse descendra plus avant dans les détails intimes de leur structure. Or, ce fait est en lui-même de la plus grande importance pour l’histoire de la formation des langues classiques de l’Europe. Non-seulement le sanscrit, dont l’étude a presque seule donné le jour à une des branches les plus curieuses des sciences philologiques, la grammaire comparative, reçoit du rapprochement de ces idiomes les plus vives lumières ; mais la méthode analytique à laquelle l’ont soumise des hommes comme les Bopp, les Humboldt et les Schlegel, doit, si elle est appliquée aux langues anciennes, en renouveler l’étude et en replacer la partie étymologique sur une base solide.

C’est sans contredit pour l’Inde un heureux privilège, que sa langue sacrée ait l’avantage de se rattacher aux idiomes qui forment le fond de l’éducation savante de l’Occident, et de nous rappeler les procédés d’expression qui ont eu sur la civilisation de l’Europe moderne une si merveilleuse influence. Mais si l’on envisage cette langue en elle-même, et qu’on lui demande ce qu’on cherche dans l’étude de tout idiome étranger, le moyen de connaître le peuple auquel il appartient, nous ne craignons pas de l’affirmer, le sanscrit est fait pour devenir l’instrument des plus belles découvertes. Depuis près de trente ans que l’intelligence de cet idiome a révélé à l’Europe l’existence d’un monde si long-temps oublié, l’industrie des savans anglais et allemands s’est presque uniquement employée à reconnaître, plus encore qu’à résoudre, les nombreuses questions qui naissaient à la vue des institutions civiles et religieuses, des usages et des mœurs dont l’Inde leur offrait le spectacle nouveau. Chaque pas qu’on a fait dans la solution d’un problème en a presque aussitôt soulevé un autre ; et les efforts même qui semblaient le plus assurés de toucher au terme, n’ont