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semblent accusateurs ? » Il montra que les citoyens, les négocians, les spéculateurs, les entrepreneurs en tout genre, allaient, par une augmentation énorme de frais, ne pouvoir plus se transmettre le résultat de leurs travaux, de leurs découvertes, de leurs productions. « Sous le prétexte que des journaux pouvaient être dangereux, disait-il, on paralysait la circulation de tout ce qui avait le malheur d’être imprimé : autant valait enfermer les citoyens dans leurs maisons, parce qu’il y a quelquefois des voleurs dans les rues. » Et alors il traça un rapide et magnifique tableau de la civilisation produite par la presse, et des bienfaits qu’elle répand, morceau si vif et si vrai, que je ne puis résister au désir que j’ai de vous le faire connaître, et de le rappeler à ceux de ses amis qui l’ont oublié, sans doute, depuis qu’ils se trouvent à la tête des affaires.

« Les journaux, disait-il, les journaux, on le reconnaît, sont un besoin public. Ils sont un besoin d’une espèce spéciale et très importante. Permettez-moi de dire en deux mots leurs avantages, je dirai tout à l’heure leurs inconvéniens.

« Les journaux sont l’unique moyen de communication entre les habitans d’un même pays, que séparent de grandes distances. Ils remédient au danger le plus inhérent aux grands empires, celui de l’isolement des individus ou même des provinces, isolement qui les empêche de profiter des découvertes, des améliorations, des productions les unes des autres. Rappelez-vous ce que le gouvernement vous a dit souvent sur l’utilité des canaux et des grandes routes, comme moyens de communications matérielles : les journaux sont les grandes routes et les canaux qui favorisent les communications intellectuelles. Écartez un instant l’idée de leurs abus qui vous frappent, parce qu’ils existent, et réfléchissez au mal que produirait leur absence, s’ils n’existaient pas. Les journaux sont, dans un état comme la France, une condition indispensable de la sûreté personnelle. Ce qui garantit cette sûreté dans les petits états, c’est que l’injustice ne peut se commettre qu’en présence de tous. Alors le corps social s’émeut, et le pouvoir se trouve forcé de réparer l’injustice. Mais quand le pays est vaste, l’injustice commise sur un point demeure ignorée partout ailleurs. Les journaux seuls peuvent la faire connaître. Ils sont le recours de quiconque est vexé, dépouillé, arrêté arbitrairement. Leur cause n’est pas celle