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INFLUENCE DES MOEURS SUR LES LOIS.

publiciste, ni l’historien, ni le philosophe, ni l’écrivain[1]. Il est d’un mauvais exemple, il est dangereux pour le progrès des sciences et des idées de récompenser magnifiquement les témoignages et les développemens de la médiocrité.

Depuis que l’Académie française a proposé la question de l’Influence des lois sur les mœurs et des mœurs sur les lois, et depuis qu’elle a couronné l’ouvrage de M. Matter, une nouvelle Académie, consacrée aux sciences morales et politiques, institution primitivement conçue et fondée par la Convention nationale, vient d’être rétablie et associée aux quatre autres classes de l’Institut de France. Cette résurrection d’un de nos établissemens d’origine nouvelle et révolutionnaire honore le gouvernement. Maintenant c’est à l’Académie qui s’est constituée récemment à justifier par ses travaux l’utilité de son existence ; or, que peut-on demander à une Académie ? On ne saurait attendre d’elle des œuvres et des créations de génie : les idées génératrices et les conceptions primordiales, dans quelque ordre que ce soit, sont produites par un seul homme ; une association peut ensuite les développer, les éclaircir et les répandre, mais les enfanter, jamais. L’unité prime ici nécessairement la division du travail. On ne saurait même demander à une académie ce concert, cet accord systématique, ce concours de pensées, de volontés et de passions dans le même but, qu’ont souvent présentés des associations formées sous l’inspiration d’un grand dessein. Tel, pour donner un exemple, fut dans le dernier siècle la phalange des encyclopédistes. Les académies au contraire réunissant les opinions et les méthodes les plus divergentes ; les recrutemens successifs qui s’y font pour fortifier les compagnies et les tenir au complet amènent la plus grande variété, et même une sorte d’anarchie et de bigarrure. Cela est inévitable et marque clairement la vocation des académies ; elles sont une sorte de gymnase critique où l’on peut examiner et éprouver les questions fragmentaires de chaque science ; mais la conception synthétique ne peut paraître

  1. Dans un sujet où les mœurs tiennent une si grande place, l’auteur n’a rien trouvé à dire de particulier ni sur les mœurs germaniques, ni sur la famille chez les Germains, ni sur le caractère de nos coutumes et du droit coutumier.