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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

À travers tout le premier drame qui se passe au Tyrol, un air vif des montagnes circule ; on entend l’Hallali des chasseurs qui fait bondir ; on croit boire à pleine main la saveur glacée des neiges dont la franche âcreté répare un sang affadi. Mais, dans les jardins du duc Laërte, sous le double bosquet où les deux sœurs soupirent, ce sont de tièdes et languissans parfums, mille zéphyres moqueurs et la mélodie lutine des fées.

Le style du Spectacle dans un fauteuil n’a plus rien du système ni du pastiche, comme certains endroits des Contes d’Espagne et d’Italie. Mais, en revanche, les incorrections et les négligences n’y sont pas ménagées : la plupart meurt, etc., etc. Il y a force obscurités par manque de liaison ; ainsi, je n’ai pas compris le duc Laërte disant, page 168 :


« Nous voulons la beauté pour avoir la tristesse. »


Belcolore dit quelque part à Frank :


« Prétends-tu me prouver que j’aie un cœur de pierre ? »


Frank lui répond :


« Et ce que je te dis ne te le lève pas ! »


Les rimes sont partout réduites à leur minimum, griser et lévrier par exemple, Danaé et tombé ; le poète en cela a trouvé moyen de renchérir sur Voltaire. De plus, grâce à l’emploi des rimes entrecroisées comme dans Tancrède, on croirait de temps à autre lire des vers blancs ; on peut trouver en effet quatre vers de suite qui forment un sens complet sans rimer. Il s’en est même glissé un tout-à-fait blanc, page 55, et dans l’absence générale de rythme, j’ai eu quelque peine à l’apercevoir.

Bien qu’un poète ne soit pas nécessairement un critique, que mille élémens suspects animent les jugemens littéraires qu’il laisse tomber d’un ton d’oracle, et qu’on ne doive pas lui en demander un compte trop scrupuleux, pourtant la préface en vers de M. de Musset renferme, entre autres opinions contestables, un rapproche-