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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

ramenée vers la fin, et qu’il semble abandonner le dénouement à un caprice cruel du hasard. Il est fâcheux toutefois que la conception morale ne soit pas embrassée en entier ni poussée à bout ; que le chœur qui débute si magnifiquement se taise bientôt et nous laisse retomber dans l’incertitude inextricable des apparences. Pourtant, dès l’origine, quand Frank s’était égaré jusqu’à s’écrier :


Tout nous vient de l’orgueil, même la patience :
L’orgueil, c’est la pudeur des femmes, la constance
Du soldat dans le rang, du martyr sur la croix.
L’orgueil, c’est la vertu, l’honneur et le génie ;
C’est ce qui reste encor d’un peu beau dans la vie,
La probité du pauvre et la grandeur des rois ;


quand Frank avait dit cela, le chœur avait su divinement répondre :


Frank, une ambition terrible te dévore.
Ta pauvreté superbe elle-même s’abhorre ;
Tu te hais, vagabond, dans ton orgueil de roi,
Et tu hais ton voisin d’être semblable à toi. —
Parle, aimes-tu ton père ? aimes-tu ta patrie ?
Au souffle du matin sens-tu ton cœur frémir,
Et t’agenouilles-tu, lorsque tu vas dormir ?
De quel sang es-tu fait, pour marcher dans la vie
Comme un homme de bronze, et pour que l’amitié,
L’amour, la confiance et la douce pitié,
Viennent toujours glisser sur ton être insensible,
Comme des gouttes d’eau sur un marbre poli ?
Ah ! celui-là vit mal qui ne vit que pour lui.
L’âme, rayon du ciel, prisonnière invisible,
Souffre dans son cachot de sanglantes douleurs.
Du fond de son exil elle cherche ses sœurs ;
Et les pleurs et les chants sont les voix éternelles
De ces filles de Dieu qui s’appellent entre elles.


Pourquoi donc cette sublime et triomphante réponse ne revient-elle nulle part au-delà ? Pourquoi ces deux voix mystérieuses qui