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tait peut-être pas motivé sur autre chose, le lui avait fait voir clairement), il savait que M. Laffitte et le ministère débile qui l’avait précédé, avaient péri en cédant à de hautes volontés, en se soumettant à exécuter un autre système que le leur, et en se laissant tirailler de droite et de gauche par des influences opposées. Poussé à bout par les instances qu’on lui faisait d’accepter le ministère, instances qu’il avait soin de provoquer, il fit alors ses conditions d’une manière assez rude, et comme on n’avait pas le choix des hommes en ce moment, ses conditions furent acceptées. Dès-lors Casimir Périer se trouva réellement maître absolu des affaires.

Elles étaient effrayantes, les affaires ! Aucune question importante n’était résolue. Les finances, livrées à M. Thiers, premier commis sous M. Laffitte, que les embarras de la présidence absorbaient tout entier ; les finances, déjà fort difficiles à conduire, servaient alors d’apprentissage à ce jeune novice en administration. Le service du trésor n’était pas assuré pour quatorze jours quand le baron Louis reprit la haute direction des fonds publics ! La question belge, la pairie, les émeutes journalières, la misère, la baisse de la rente, deux cents millions réalisables sous toutes les formes, votés de confiance, mais avec effroi, par les Chambres, tout augmentait le danger de la situation. Les amis de Casimir Périer furent étonnés de voir avec quelle ardeur il s’élança au poste qui lui était offert, avec quelle suite d’idées il organisa autour de lui des travailleurs, des agens, comme il se mit en quête d’écrivains et d’orateurs pour le soutenir, quels efforts d’activité et d’amabilité il fit pour se concilier la cour et la diplomatie étrangère. C’était une merveille que ce goût à toutes choses qui avait repris tout-à-coup un homme si accablé et si indolent. C’est que pour lui le moment était venu de combattre en faveur de sa caste, et de se prononcer contre les prétentions des classes inférieures auxquelles il n’avait pas encore osé s’opposer si ouvertement. Périer, qui n’avait jamais envisagé la société politique que d’une façon mesquine, à qui le monopole et toutes les entraves que subissent les faibles, avaient si bien profité, ne comprenait pas, de bonne foi, qu’on voulût des améliorations à un système qui lui semblait si bon. C’était en lui une religion, et comme toute religion est une pensée brutale, en ce qu’elle n’admet pas de discussion, il jura haine et persécution à