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REVUE DES DEUX MONDES.

L’heure où le chêne est vert, où le cyprès est noir,
Et Rome en son désert encor superbe à voir…
À cette heure, j’étais sur un monceau de briques,
Et le dos appuyé contre des murs antiques,
Je regardais de là s’étendre devant moi
La vieille majesté des champs du peuple-roi ;
Et rien ne parlait haut comme le grand silence
Qui dominait alors cette ruine immense !
Rien ne m’allait au cœur comme ces murs pendans,
Ces terreins sillonnés de mâles accidens,
Et la mélancolie empreinte en cette terre
Qui ne saurait trouver son égale en misère.


Sublime paysage à ravir le pinceau !
Le Colysée avait tout le fond du tableau !
Le monstre, de son orbe envahissant l’espace,
Foulait de tout son poids la terre jaune et grasse ;
Là, ce grand corps, sevré de sang pur et de chair,
Étalait tristement ses vieux membres à l’air ;
Et le ciel bleu, luisant à travers ses arcades,
Ses pans de murs croulés, ses vastes colonnades,
Semait ses larges reins de feux d’azur et d’or,
Comme au soleil d’Afrique un reptile qui dort.
À droite, en long cordon, au-dessus de ma tête,
Du haut d’une terrasse à crouler toute prête,
Tombaient de larges flots de feuillages confus,
Des pins au vert chapeau, des platanes touffus,
Et des chênes voûtés, dont la racine entière
Jaillissait comme l’onde à travers chaque pierre !…