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REVUE DES DEUX MONDES.

Reste les bras croisés dans ton linceul étroit ;
Car si des flancs obscurs de ton sépulcre froid,
Comme un vieux prisonnier, il te prenait envie
De contempler encor ce qu’on fait dans la vie,
Si tu levais ton marbre et regardais de près,
Ta douleur serait grande, et les sombres regrets
Reviendraient habiter sur ta face amaigrie :
Tu verrais, Orcagna, ta Pise tant chérie,
Comme une veuve, assise aux rives de l’Arno,
Écouter solitaire à ses pieds couler l’eau ;
Tu verrais le saint dôme avec de grandes herbes,
Et le long de ses murs les cavales superbes
Monter, et se jouant à chaque mouvement
Emplir tout le lieu saint de leur hennissement ;
Tu verrais que la Mort dans les lieux où nous sommes,
N’a pas plus respecté les choses que les hommes ;
Et reposant tes bras sous ton cintre étouffé,
Tu dirais, plein d’horreur : La Mort a triomphé.


La mort ! la mort ! elle est sur l’Italie entière
L’Italie est toujours à son heure dernière ;
Déjà sa tête antique a perdu la beauté,
Et son cœur de chrétienne est froid à son côté.
Rien de saint ne vit plus sous sa forte nature,
Et comme un corps usé qui tombe en pourriture,
Ses larges flancs lavés par la vague des mers
Ne se raniment plus aux célestes concerts.
Oh ! c’est en vain qu’aux pieds de l’immobile archange
Le canon tonne encor des créneaux de Saint-Ange,