Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
IL PIANTO.

Et que ce noir terrein a reçu de nature
Le don de convertir les corps en pourriture.
Or, en ces trois tombeaux ouverts sur le chemin,
Voyez ce qu’en un jour elle fait d’un humain :
Le premier, que son dard tout nouvellement pique,
A le ventre gonflé comme un homme hydropique ;
Le second est déjà dévoré par les vers,
Et le dernier n’est plus qu’un squelette aux os verts,
Où le vent empesté, le vent passe et soupire,
Comme à travers les flancs décharnés d’un navire.
Certes c’est chose horrible, et ces morts engourdis
Figeraient la sueur au front des plus hardis.
Mais, chasseurs, regardez ces trous pleins de vermine
Sans boucher votre nez et sans changer de mine,
Regardez bien à fond ces trois larges tombeaux ;
Puis, quand vous aurez vu, retournez vos chevaux :
Aux fanfares du cor regagnez la montagne,
Et puis comme devant, à travers la campagne,
Courez et galoppez, car de jour et de nuit
Vous savez maintenant où le temps vous conduit.


Mais tandis que la fièvre et la crainte féconde
Assiègent les côtés des puissans de ce monde,
Que l’éternel regret des douceurs d’ici-bas
Leur tire des soupirs à chacun de leurs pas,
Que l’horreur de vieillir et de voir les années
Pendre comme une barbe à leurs têtes veinées,
Arrose incessamment d’amertume et de fiel
Le peu de jours encor que leur garde le ciel ;