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REVUE DES DEUX MONDES.

La vieille aime à lutter ; c’est un joueur en veine
Qui néglige les coups dont la chance est certaine.


Enfant, ce n’est point tout ; enfant, regarde encor !
La montagne s’ébranle aux fanfares du cor,
Sous le galop des chiens entends sonner la pierre,
En épais tourbillons vois rouler la poussière,
Et du fond sinueux de ces sombres halliers
Bondir à flots pressés de nombreux cavaliers.
Ce sont de francs chasseurs qui courent la campagne,
De grands seigneurs toscans, des princes d’Allemagne,
Avec de beaux habits chamarrés d’écussons,
Des housses de velours, de lourds caparaçons,
Des couronnes de ducs à l’entour des casquettes,
Des faucons sur les poings, des plumes sur les têtes,
Et des hommes nerveux, retenant à pas lens,
Des lévriers lancés sur leurs quatre pieds blancs. —
Holà ! puissans du jour, chasseurs vêtus de soie,
Qui forcez par les monts une timide proie ;
Vous, femmes, que l’ennui mène à la cruauté ;
Hommes, dont le palais plein de stupidité
A soif, après le vin, du sang de quelque bête,
Vous qui cherchez la mort comme on cherche une fête,
Oh ! n’allez pas si loin, arrêtez vos coursiers,
La mort est près de vous, la mort est sous vos pieds,
La mort vous garde ici les plus rares merveilles ;
Croyez-en vos chevaux qui dressent leurs oreilles,
Voyez leur cou fumant dont la veine se tord,
Leur frayeur vous dira qu’ils ont senti la mort,