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REVUE DES DEUX MONDES.

Un terrein sans verdure et délaissé des cieux,
Un cimetière aride, un cloître curieux,
Qu’un voyageur parfois dans sa course rapide
Heurte d’un pied léger et d’un regard stupide.
— Mais n’importe ! je t’aime, ô vieux Campo Santo,
Je t’aime de l’amour qu’avait pour toi Giotto.
Tout désolé qu’il est, ton cloître solitaire
Est encore à mes yeux le plus saint de la terre :
Aussi quand l’œil du jour, de ses regards cuisans,
Brûle le front doré des superbes Pisans,
J’aime à sentir le froid de tes voûtes flétries,
J’aime à voir s’allonger tes longues galeries,
Et là, silencieux, le front bas, le pied lent,
Comme un moine qui passe et qui prie en allant,
J’aime à faire sonner le cuir de mes sandales
Sur la tête des morts qui dorment sous tes dalles,
J’aime à lire les mots de leurs grands écussons,
À réveiller des bruits et de lugubres sons,
Et les yeux enivrés de tes peintures sombres,
À voir autour de moi mouvoir toutes tes ombres


Salut ! noble Orcagna ! que viens-tu m’étaler ?
— « Artiste, une peinture à faire reculer ;
Regarde, enfant, regarde !… — Il est de par le monde
Des êtres inondés de volupté profonde,
Il est de beaux jardins plantés de lauriers verts,
Des grands murs d’orangers où mille oiseaux divers,
Des rossignols bruyans, des geais aux ailes bleues,
Des paons sur les gazons traînant leurs belles queues ;