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à la réputation de justice et d’intégrité du caractère américain, que l’affaire des tribus indiennes de la Géorgie et d’Alabama, et spécialement des Cherokees dans le premier de ces deux états. L’acte adopté par le congrès à la fin de la session complète le statut odieux et tyrannique de la législation de Géorgie, et imprime une tache ineffacable sur la politique des États-Unis, lesquels viennent de violer ouvertement leur foi, clairement engagée à plusieurs reprises dans une multitude de conventions et de traités plus solennels les uns que les autres. »

« Ce qui rend plus déplorable l’expulsion des Indiens de leur terre natale, c’est qu’ils cédaient rapidement à la force de l’exemple ; c’est qu’ils avaient renoncé à leur vie de chasseurs et à leurs habitudes vagabondes ; c’est qu’ils devenaient des agriculteurs laborieux ; c’est que le pouvoir tyrannique et brutal qui vient de violer à leur égard la foi des traités, ne les bannit pas seulement comme autrefois de leurs terrains de chasse, de leurs cantons de prédilection, du voisinage des ossemens ensevelis de leurs pères, mais bien de leurs maisons que leurs progrès vers la civilisation leur avaient enseigné à rendre commodes et agréables ; mais bien des champs qu’ils avaient labourés et dont ils étaient fiers ; mais bien des moissons qui couvraient ces champs et qui étaient les fruits de leurs sueurs. Et pourquoi cette odieuse injustice ? Pour ajouter quelques milliers d’ares de territoire à l’état à moitié désert qui les touchait !


Parmi les différens chefs d’accusation portés par notre voyageuse contre les Américains, il n’en est point sur lequel elle insiste davantage et revienne plus souvent que la grossièreté de leurs habitudes, et le défaut de politesse et d’élégance de leurs manières. Cette culture du goût qui non-seulement sauve la bonne société européenne de toute habitude grossière, mais encore répand je ne sais quelle fleur de délicatesse, plus aisée à sentir qu’à définir, sur tous les sentimens, sur toutes les actions, et jusque dans les mouvemens et le langage d’un homme bien élevé ; cette culture du goût n’existe pas en Amérique. C’est une des choses qui ont rendu le plus désagréable à mistress Trollope le séjour de ce pays : aussi y revient-elle à chaque instant. La rudesse des habitudes américaines la frappe d’abord dans la société du bateau à vapeur, sur lequel elle remonte le Mississipi.


« Les gentilshommes de la cabine, à en juger par leur langage, leurs manières et leur tournure, n’auraient certainement pas reçu ce nom en