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MŒURS DES AMÉRICAINS.

loi du phénomène. Écoutons mistress Trollope, et notons en passant la mobilité essentielle au régime démocratique.


« Lorsqu’un candidat se présente pour une fonction quelconque, son parti le revêt de toutes les vertus et de tous les talens. Il est prêt à arracher les yeux aux hommes du parti opposé, et souvent on en vient là dans les états du sud, où le soleil donne plus d’énergie aux passions. Mais à peine cet homme si prôné est-il élu, que toutes ses vertus, tous ses talens s’évanouissent, et sauf le petit nombre des électeurs qu’il place dans ses bureaux, tous les autres se mettent aussitôt en mouvement pour l’élection de son successeur. Lorsque j’arrivai en Amérique, M. Adams était président, et il était impossible de révoquer en doute, même à s’en tenir à l’opinion de ses ennemis, qu’il ne fût très-propre à honorer ces hautes fonctions : le seul reproche que j’aie depuis entendu faire contre lui, c’est qu’il était beaucoup trop gentilhomme. Toutefois, un nouveau candidat devait être mis en lumière, et M. Adams fut écarté, sans autre raison à moi connue que celle-ci qui n’en est pas une, à savoir qu’il était mieux de changer. Le cri « Jackson for ever » fut donc poussé à outrance par la majorité des électeurs, ivres ou non ivres, jusqu’à ce qu’il fût élu ; mais à peine le fut-il, qu’en vertu du principe qui l’avait porté au pouvoir, le vœu de l’opinion tourna, et l’on n’entendit plus qu’un cri : Clay for ever ! Clay for ever ! »


Le respect des magistrats élus pour le peuple électeur, et l’irrévérence du peuple électeur pour des magistrats éphémères qui n’ont d’autorité que par lui, sont une autre conséquence du principe électif. Nous avons vu comment le laitier de mistress Trollope parlait des représentans au congrès, et comment le président de la république était traité par les mariniers du bateau à vapeur. Voici de quelle façon respectueuse un percepteur, en Amérique, invite les contribuables à payer l’impôt ; cette sommation sous forme d’homélie est curieuse.


AVIS AUX CONTRIBUABLES.

« Les personnes qui ne m’ont point encore payé les taxes sont instamment priées de le faire d’ici au 1er décembre prochain. Je les y ai déjà invitées bien des fois par avertissement et autrement, mais avec peu de succès. Aujourd’hui le moment est venu où ma situation exige que je sois immédiatement payé de ce qui m’est dû. Je prie les con-