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bornes de son esprit. Nous croyons surtout qu’un grand peuple ne peut être jugé sur la déposition d’un seul témoin, et Dieu merci, l’Amérique ne manque parmi nous ni de sympathies ardentes, ni de défenseurs éloquens. La république des États-Unis a succédé dans nos admirations à la république de Lacédémone, et toutes les républiques seront toujours en bonne réputation parmi nous ; ceci est dans notre génie et dans notre mission ; j’engage beaucoup les républicains à se fier à cette tendance, et à ne pas trop s’inquiéter des coups d’épingle d’une femme : cela ferait peu d’honneur à leur galanterie et à leur prévoyance.

Là où le peuple est souverain, toute autorité doit émaner de la sienne, et par conséquent chaque fraction du pouvoir, depuis la plus petite jusqu’à la plus grande, être déléguée par lui. De là l’élection tous les jours et partout, tantôt pour une chose, tantôt pour une autre ; et comme en vertu du principe de souveraineté, tous les citoyens participent au droit d’élire, on peut dire que l’Amérique n’est qu’une vaste salle électorale, et la vie de chaque Américain, une élection perpétuelle. Rien au monde ne peut être plus ennuyeux pour un ami de la paix, que cet éternel mouvement ; mistress Trollope en est malheureuse, et cependant ne peut y échapper.


« Même dans le village retiré où nous passâmes la belle saison, dit-elle, nous ne fûmes pas à l’abri de la fièvre électorale qui parcourt et tourmente sans relâche toutes les parties du pays. Quand l’Amérique réunirait tous les agrémens que la nature et la société peuvent offrir, cette mononamie d’élection suffirait pour me la rendre insupportable : elle envahit toutes les conversations, elle aigrit tous les caractères, en substituant partout les jugemens de l’esprit de parti à ceux du bon sens ; en un mot, elle infecte et corrompt toutes les relations sociales. »


En effet, toute élection est accompagnée d’un certain nombre de circonstances qui en sont inséparables, et auxquelles il faut savoir se résigner en considération de la chose elle-même. Toute la sagesse des lois et toute la vertu des hommes ne feront jamais qu’une élection de ville ou de village, de député ou de garde-champêtres, puisse être dégagée de ces circonstances qui sont comme la