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REVUE DES DEUX MONDES.

vous aurez de l’avancement ; et, comme vous êtes jeune, vous ferez votre chemin dans le monde.

Et je l’ai fait mon chemin en ce monde ! Soyez-en témoins, nuits de Toscane, et toi, beau ciel bleu avec tes grandes étoiles d’argent ! vous, bois de lauriers sauvages, touffes mystérieuses de myrtes ! et vous, nymphes des Apennins, quand vous nous enlaciez dans vos danses de fiançailles, et quand vous nous rameniez dans nos rêveries à ces temps des dieux où il n’existait pas ce préjugé gothique qui ne permet que des félicités secrètes, et qui couvre de sa feuille de vigne hypocrite tout sentiment libre et hardi.

Quant à nous, la feuille de vigne était bien inutile, car une vigne tout entière étalait ses grands rameaux verts sur nos têtes bienheureuses !


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Sur un banc de gazon, sous un large laurier, était assis Hyacinthe, le domestique du marquis, et près de lui Apollon, son chien. Ce dernier était même plutôt debout qu’assis, car ses deux pattes de devant étaient dressées sur la cuisse écarlate du petit homme, et il regardait, ainsi que lui, avec curiosité, des tablettes que Hyacinthe tenait en main, y inscrivant de temps à autre quelques mots en soupirant.

— Comment diable, Hirsch Hyacinthos ! lui criai-je, composes-tu des vers ? Allons, les signes te sont favorables ; Apollon est à tes côtés, et le laurier est déjà suspendu sur ta tête.

Mais j’étais injuste envers le pauvre homme. Il me répondit paisiblement : Des vers ? Non : je suis amateur des vers, mais je n’en écris pas. N’ayant rien à faire en ce moment, j’écrivais la liste des personnes qui ont joué dans mon bureau de loterie. Quelques-unes sont restées mes débiteurs. — Ne croyez pas, M. le docteur, que je veuille parler de… Nous avons le temps. Je vous regarde comme solide. Ah ! si vous aviez joué le lot 1365 au lieu du 1364, vous seriez aujourd’hui un homme de cent mille marcs banco, et vous n’auriez pas besoin de courir ici de droite et de gauche ; vous pourriez rester tranquille à Hambourg, et vous faire conter sur votre sofa quelle mine a l’Italie. Aussi vrai que Dieu me soit en aide, je ne serais pas venu dans ce pays, n’était l’amitié que j’ai pour M. Gumpel. Ah ! que de chaleurs, de dangers et de fatigues il m’a fallu