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dier de Victor Hugo. Mais cette analogie n’altère pas l’originalité de la physionomie.

Athénaïs, la jeune fermière que Bénédict doit épouser, est un portrait plein de fraîcheur, pris sur le fait et copié sur la nature avec une fidélité qui ferait honneur au pinceau de Wilkie. Elle sert à dessiner le caractère de Bénédict, et n’a que l’importance qui lui convient. Elle est fière de ses parures, de sa beauté, de sa jeunesse, de sa fortune, des jalousies qu’elle excite, mais au fond bonne fille, capable d’un amour ordinaire, plutôt disposée à reconnaître, par la soumission et les caresses, le bonheur qu’on lui donnera, sans s’inquiéter d’où il vient, qu’à choisir un homme entre tous, à l’exclusion du reste du monde, pour lui dévouer son ame, sa beauté, son existence, son avenir. Elle est née sous une heureuse étoile : Si toutes les femmes lui ressemblaient, il serait impossible d’écrire un roman.

Maintenant que nous avons jugé le mérite individuel de tous les acteurs, il est facile de pressentir notre opinion sur le drame lui-même. L’exposition est bonne. La fête de village fait passer devant nos yeux les figures que j’ai décrites. Le baiser de Bénédict sur le front de Valentine est une heureuse invention. Il est tout simple qu’un villageois, qui a connu pendant quelques années seulement les cercles de la ville, prenne pour un être supérieur à lui une jeune fille de naissance. L’amour, dans le sens poétique, n’est pas loin de l’adoration. Chacun des deux amans doit se croire au-dessous de l’autre. Il faut que l’homme admire dans celle qu’il chérit la pureté du cœur, et la femme, la profondeur de l’intelligence.

Le mariage d’Athénaïs avec Pierre Blutty est un épisode bien amené, et utile. Les journées que Bénédict passe entre l’amour si différent, mais également sincère de ces trois femmes, ont le malheur très-pardonnable de ressembler à la féerie. Mais, au fond de ses souvenirs d’enfance, le cœur retrouve quelques journées pareilles, poèmes obscurs, indéfinissables, à qui le poète seul a manqué. Les progrès de la passion chez Valentine, de cet amour qui domine les deux autres, sont racontés avec un grand charme de naïveté et remplis d’observations fines, délicates.