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l’adultère ont subi bien des variations. Depuis le cinquième siècle jusqu’à la fin du quinzième, le châtiment a participé de la rudesse des mœurs : la jalousie se vengeait par le cloître ou le meurtre. Avec François Ier, l’adultère s’est assis sur le trône. Il est devenu un délassement, une partie de plaisir, une fête joyeuse : le comte de Châteaubriand passait volontiers pour un fou. En quittant les élégantes galeries de Chambord pour les monotones solennités de Versailles, il a pris un aspect nouveau. Sous Louis xiv, l’adultère n’était plus un plaisir, c’était une profession. Sous la régence et sous Louis xv, il y a eu progrès : la profession s’est changée en devoir. Au temps de Bussy, les maris trompés se comptaient comme les chevrons ; Voisenon et Collé auraient couvert de huées les vertus scrupuleuses ou les vices poltrons. Les calomnies dirigées contre Marie-Antoinette n’ont pas de valeur historique. Le directoire et les premières années de l’empire ont voulu recommencer la régence, mais n’y ont pas réussi. Avec la restauration nous sont revenus l’austère gravité, et aussi, nous devons l’avouer, le charlatanisme d’hypocrisie, qui ont marqué les dernières années de Louis xvi ; après l’impuissante singerie de madame de Pompadour, nous avons grimacé les pruderies de madame de Maintenon.

Telle est en peu de mots l’histoire de l’adultère en France ; et si l’on y prend garde, c’est aussi celle de la religion. À Chambord, c’est la joviale indulgence du curé de Meudon ; à Versailles, la hautaine colère et les sanglantes réprimandes de Bossuet ; après l’évêque de Meaux, le cardinal Dubois.

Aujourd’hui la religion ne vit plus guère que par la morale ; le dogme et le mystère ne rencontrent plus que de rares crédulités. Ce n’est plus le prêtre qui flétrit l’adultère, c’est la société.

Mais en même temps qu’elle condamne la violation du serment, elle ne fait rien pour en assurer le respect. Tous ses préceptes sur la sainteté du mariage se réduisent à peu près aux lignes concises et sévères de l’Esprit des Lois, à savoir que la femme a plus d’intérêt que l’homme à la continence et à la chasteté. Ce n’est plus l’Évangile qui parle et qui commande un immuable dévouement, c’est le législateur qui conseille la vertu comme un bon calcul.