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GEORGES SAND.

Indiana et Valentine ont soulevé, comme on devait s’y attendre, plusieurs questions morales et religieuses. La critique européenne, et en particulier la critique française, n’ont pas encore secoué leurs vieilles habitudes. Malgré les vives et hautaines remontrances des esprits éminens qui depuis un demi-siècle ont mis l’histoire et la philologie au service de la raison, malgré les protestations formelles et précises de Warton et de Tyrwhit, des frères Schlegel et de Goëthe, les salons et les universités, les oisifs et les studieux s’obstinent encore à voir dans un ouvrage d’imagination un plaidoyer pour ou contre la vertu, une thèse favorable ou hostile aux lois de la société. C’est donc un devoir pour nous, impérieux, irrésistible, d’ajouter notre voix aux voix illustres que nous venons de nommer, et de revendiquer, à leur exemple, les franchises et les priviléges de l’art.

Parce qu’il a plu au précepteur d’Alexandre d’indiquer un but moral à la tragédie, parce que dans une phrase assez vague jetée presqu’au hasard, dans le plus incomplet et le moins authentique de ses ouvrages, il assigne à la poésie dramatique une sorte de pédagogie, tous les bluteurs de préceptes littéraires s’évertuent à l’envi à vouloir moraliser la fantaisie, la plus libre et la plus vive de toutes les facultés humaines. Ils ne reconnaissent pas à l’imagination le droit de choisir partout, dans les plus hardis comme dans les plus chastes épisodes de la vie, un sujet d’exercice ; ils proscrivent d’un trait de plume les joyeuses inventions du génie antique, toutes les fois qu’il s’attaque aux parties hon-