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à ce bruit, c’est que le duc de Bourgogne en avait confié la garde à l’un des seigneurs qui lui étaient le plus dévoués, et que ce seigneur, quoique d’une bravoure reconnue, l’avait laissé prendre sans rien faire ostensiblement pour sa défense. Les ennemis du duc qui entouraient le Dauphin, saisirent cette occasion de faire rentrer dans l’esprit du prince des soupçons qu’ils y avaient déjà nourris si long-temps. Tous demandaient la rupture du traité et une guerre franche et loyale, en place de cette alliance fausse et traîtresse ; Tanneguy seul, malgré sa haine bien connue contre le duc, suppliait le Dauphin de réclamer une seconde entrevue avant d’avoir recours à aucune démonstration hostile.

Le Dauphin prit une résolution qui conciliait à la fois les deux avis : il vint avec une puissance de vingt mille combattans à Montereau, afin d’être prêt à la fois à traiter, si le duc acceptait la nouvelle entrevue, ou à recommencer les hostilités, s’il la refusait. Tanneguy, qui, au grand étonnement de tous ceux qui connaissaient son caractère décidé, avait constamment été pour les moyens conciliateurs, fut envoyé à Troyes, où nous avons dit qu’était le duc : il portait à celui-ci des lettres signées du Dauphin, qui fixaient Montereau pour le lieu de la nouvelle entrevue ; et, comme il n’y avait pas de place au château pour Duchâtel et sa suite, le sire de Gyac lui donna l’hospitalité.

Le duc accepta l’entrevue, mais il y mit pour condition que le Dauphin viendrait à Troyes, où étaient le roi et la reine. Tanneguy revint à Montereau.

Le Dauphin et ceux qui l’entouraient étaient d’avis de prendre la réponse du duc pour une déclaration de guerre et de recourir aux armes. Tanneguy seul, infatigable, impassible, offrait au Dauphin de faire de nouvelles démarches, et s’opposait avec entêtement à toute mesure hostile. Ceux qui savaient quelle haine il y avait au fond du cœur de cet homme contre le duc Jean, n’y comprenaient plus rien : ils le croyaient gagné comme tant d’autres l’avaient été, et faisaient part de leurs soupçons au Dauphin ; mais celui-ci les rapportait aussitôt à Tanneguy, en lui disant : — « N’est-ce pas, mon père, que tu ne me trahiras pas ? »

Enfin arriva une lettre du sire de Gyac ; grâce à ses instances,