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fenêtre qui donnait dans une cour. Au même instant les Anglais enfoncèrent la porte de la rue.

L’Iladam courut à ses écuries, sauta sur le premier cheval venu, et sans selle, sans bride, s’élança sous le porche encombré d’Anglais qui montaient dans les chambres, passa au milieu d’eux, au moment où ils s’y attendaient le moins, tenant d’une main la crinière du cheval, et de l’autre faisant tournoyer sa hache. Un Anglais avait voulu se jeter au-devant de lui, et il était tombé la tête fendue ; sans cet homme sanglant et étendu à leurs pieds, les autres auraient cru voir passer une apparition.

L’Iladam s’élança vers la porte de Paris, elle était fermée ; la confusion était telle, que le concierge n’en put retrouver les clefs : il fallait la rompre à coups de hache ; l’Iladam se mit à l’œuvre. Derrière lui les bourgeois fuyans s’amassaient dans la rue étroite, augmentant à chaque instant de nombre, n’ayant d’espoir que dans la promptitude avec laquelle la hache de l’Iladam, qui se levait et retombait sans relâche, leur ouvrirait une issue.

Bientôt des cris de désespoir partirent de l’autre extrémité de cette rue : les fuyards avaient eux-mêmes indiqué le chemin à leurs ennemis. Les Anglais entendirent les coups qui retentissaient sur la porte ; et, pour arriver à l’Iladam, ils chargeaient cette foule désarmée qui n’opposait qu’une masse inerte, mais épaisse, mais profonde ; rempart vivant et serré que sa terreur même rendait plus difficile encore à entamer. Cependant les hommes d’armes fouillaient cette foule à coups de lance, les arbalétriers en abattaient des rangs entiers ; les flèches venaient, autour de l’Iladam, s’enfoncer en tremblant dans la porte ébranlée, gémissante, mais résistant toujours. Les cris se rapprochaient de lui ; un instant il crut que le rempart de bois serait plus long à enfoncer que le rempart de chair : les Anglais n’étaient plus qu’à trois longueurs de lance de lui ; enfin la porte se brisa, vomissant au dehors un flot d’hommes, à la tête duquel le cheval épouvanté emporta l’Iladam comme l’éclair.

Lorsque le duc de Bourgogne apprit cette nouvelle, au lieu