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à pas précipités, avec leurs arcs et leurs flèches en mains, leurs peintures faites avec soin, et les couronnes ainsi que les bracelets en plumes qu’ils portaient sur la tête et aux bras, nous offrirent l’image parfaite de guerriers indiens marchant au combat ; ils nous saluèrent à grands cris en répétant tous à la fois le mot banaré, ami, et pour cimenter notre nouvelle connaissance, le cachiry commença aussitôt à circuler dans d’énormes couys que les femmes ne cessaient d’aller remplir dans la sura où était la provision de ce liquide, et auquel nous fûmes obligés de faire largement honneur, chacun des assistans s’empressant de nous offrir son couy après avoir goûté de la liqueur qu’il contenait. Nous choisîmes parmi eux chacun un banaré ou ami particulier, auquel nous fîmes divers cadeaux, et qui mit dès-lors un soin particulier à nous faire boire. Au bout d’une heure, ne pouvant résister plus long-temps à une hospitalité si empressée, je sortis pour visiter les abatis que je trouvai en bon état, et remplis, outre le manioc, de patates douces, d’ignames, de bananiers, de cannes à sucre, etc. En rentrant au carbet après trois heures d’absence, je trouvai les Indiens plus occupés que jamais à boire. Tous étaient ivres, mais n’en continuaient pas moins d’avaler le cachiry à grands traits. La bonne intelligence ne cessa pas un instant de régner parmi eux, et à la nuit ils voulurent terminer la fête par des danses, mais cela leur fut impossible. Les danseurs ne pouvaient se tenir sur leurs jambes et tombaient à chaque instant. Ils prirent enfin le parti de gagner leurs hamacs.

Ceci n’est qu’une faible image des orgies indiennes dans les grands jours de réjouissances. Mais, avant de les décrire, je dois dire un mot du cachiry dont j’ai déjà parlé souvent, et des autres boissons en usage parmi eux. Toutes celles qui sont fermentées ont pour base le manioc préparé de diverses manières. Le cachiry, la plus commune de toutes, se fait avec le manioc râpé, auquel on ajoute quelques patates douces écrasées ; le tout est soumis à l’ébullition pendant sept à huit heures, après quoi on l’abandonne à la fermentation, pendant trente-six ou quarante heures. Pour hâter celle-ci, on jette quelquefois, dans le vase qui contient le liquide, du manioc mâché. On passe ensuite le tout dans un ma-