Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/640

Cette page a été validée par deux contributeurs.
630
REVUE DES DEUX MONDES.

un capiaie[1], qui chercha inutilement à nous échapper en plongeant à différentes reprises ; deux flèches l’atteignirent au moment où il allait atteindre la terre, et il eut encore la force de gagner le rivage, où il expira. Il pesait cent livres, et nous fûmes obligés de le dépecer sur place pour ne garder que les meilleures parties. Les Indiens mangent cet animal, quoique sa chair soit mauvaise, et les nôtres firent boucaner, le soir, avec soin celui que nous avions tué, pour le conserver les jours suivans. Le capiaie est répandu dans presque toute l’Amérique méridionale, et aussi commun à Montevideo qu’au Brésil et dans la Guyane.

Au saut ci-dessus succède celui de Waïkaïrou, qui est infiniment plus pittoresque, et au milieu duquel nous nous arrêtâmes dans un îlot pour passer la nuit. Deux grandes îles le partagent en plusieurs parties, sans compter d’innombrables petits îlots qui s’élèvent de toutes parts, couverts d’une riche végétation. Les bords de la rivière augmentaient sensiblement de hauteur, et nous apercevions à l’horizon les montagnes du Camopi, dont nous n’étions plus éloignés que de quelques lieues. Depuis trois jours nous n’avions point rencontré de canot sur notre route ; aucune trace de cultures anciennes ou récentes n’apparaissait nulle part, et on eût dit que l’homme n’avait jamais pénétré dans ces lieux, tant leur solitude était profonde !

Le 28, dans la matinée, nous passâmes le saut de Simocou-Etan, et à midi nous arrivâmes à l’embouchure du Camopi. En face existe un îlot isolé, sur lequel nous nous arrêtâmes au pied d’une croix élevée en 1826 par l’expédition de l’ingénieur Baudin[2]. Le Camopi est l’affluent le plus considérable que reçoive l’Oyapock. Il est facile d’apprécier la masse d’eau qu’il lui porte en tribut, par l’augmentation subite de celui-ci après l’avoir reçue. Ses sources sont inconnues, et la partie de son cours

  1. Cavia capibara des auteurs.
  2. Cette expédition, organisée sur une assez grande échelle, avait pour but de reconnaître les sources de l’Oyapock et de pénétrer au-delà, s’il était possible. La manière dont elle était composée la fit échouer, et elle n’alla pas plus loin que l’habitation du capitaine Waninika, à quatre-vingt-cinq lieues de l’embouchure de la rivière. M. Baudin seul s’avança environ