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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

qu’en les traînant sur les roches, lorsque l’eau n’offre pas une profondeur suffisante, sans toutefois être obligé d’établir un portage par terre. Ces sauts n’ont pas non plus l’effet imposant d’une cataracte ; mais cependant le genre de beauté qui leur est propre ne le cède pas à celle d’une chute d’eau perpendiculaire. Ainsi, l’Oyapock, à son premier saut, n’offre, pendant une demi-lieue et sur une largeur de cinq cents toises, que l’image du chaos. Les eaux, contrariées dans leur cours, s’échappent, en bouillonnant, par mille canaux qu’elles se sont creusés de toutes parts, et forment une multitude de petites cascades et de lagunes, du milieu desquelles s’élèvent des îlots innombrables, les uns privés de végétation, les autres couverts de verdure et d’arbrisseaux qui interceptent en tout sens la vue de l’horizon. Sur la rive droite, au pied d’un morne élevé qui domine la scène, tombe le saut de Jacques, dont la hauteur est plus considérable que celle des autres cascades. À gauche, au contraire, les collines ont diminué de hauteur, et montent insensiblement en amphithéâtre. C’est surtout pendant l’été, lorsque les eaux sont basses, que l’effet de cette scène est plus frappant. Une multitude de roches, qui sont recouvertes pendant la saison pluvieuse, se montrent alors à découvert, et leur surface blanche et polie par l’action constante des eaux contraste d’une manière pittoresque avec la verdure qui les entoure.

Le 21, nous attendîmes, pour partir, que la marée, qui se fait sentir très-fortement jusqu’au saut, fût à son maximum d’élévation. Le flot entrait avec rapidité dans les lagunes, et avec lui une multitude innombrable de petits poissons, dont les mouvemens variés faisaient bouillonner l’eau. On eût pu en prendre des centaines d’un coup de filet. Parvenus à l’extrémité d’une espèce d’anse resserrée de toutes parts, nous nous trouvâmes arrêtés par une roche non interrompue de vingt pieds de haut sur cent pas de large, qui nous séparait du courant principal du saut ; nous déchargeâmes notre bagage et le transportâmes de l’autre côté, après quoi il fallut hâler les canots. Les Indiens attachèrent à l’avant de chacun d’eux une longue liane sur laquelle les femmes et les enfans réunirent tous leurs efforts. Les hommes se mirent,