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de ne pas en mettre, car à quoi vous serviront, je vous prie, ces murs couchés à terre, si l’on vient assiéger votre ville ?

Ce qui réjouit encore singulièrement M. Duveyrier, c’est que dans le Paris saint-simonien, on n’entendra que le bruit des marteaux et des haches, le grincement des vis et des scies, le bruit des laminoirs et les battemens cadencés des pompes à bascules.

Miséricorde ! quel concert industriel ! n’avions-nous pas assez déjà de la musique des chaudronniers et des forgerons ?

Vous vous souvenez bien, j’imagine, que le nouveau Paris est un homme.

Maintenant le monument où la religion doit le plus exalter les espérances humaines, aura les formes de la femme. Le nouveau temple sera du sexe féminin. Le nouveau temple sera une femme.

Le corps de cette femme-temple sera vaste. Le peuple montera sur elle et jusqu’à sa ceinture, — pas plus haut, — par des galeries en spirale, qui s’échelonneront comme les guirlandes d’une parure de bal. Les prêtres seuls auront un escalier dérobé par lequel ils arriveront au sommet de la femme à travers les plis de sa robe entr’ouverte et agrafée.

Dans la queue de la même robe, il y aura un immense amphithéâtre où l’on viendra jouir du spectacle des pacifiques carrousels et respirer le frais sous les orangers.

Les yeux de la femme-temple, dit enfin M. Charles Duveyrier, seront deux soleils éblouissans, comme serait le soleil véritable, s’il se montrait seul quand il fait nuit.

Cette image ne me semble pas absolument juste. Si le soleil se montrait quand il fait nuit, il ferait jour selon moi. Qu’en pensez-vous ?

Au surplus, voilà le temple de M. Duveyrier. Voilà sa ville.

La ville et le temple sont mariés.

Le temple est l’épouse de la ville, la ville est l’époux du temple.

Ce sont cependant, vous le voyez, deux êtres fort distincts. Mais comme dans les bons ménages, la femme et le mari ne sont qu’un, M. Charles Duveyrier nous a donné ce couple en bloc et l’a tout simplement appelé : la ville nouvelle, ou le Paris des Saints-Simoniens.


VALENTINE, PAR G. SAND[1].

Disons-le d’abord : avant de lire ce livre, nous avions conçu contre lui des préventions peu favorables. Ce second roman de l’auteur d’In-

  1. Chez Henri Dupuy.