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REVUE. — CHRONIQUE.

N’oublions pas de dire que le Paris des Saint-Simoniens aura un manège en ellipse entre les genoux, et un immense hippodrome entre les jambes.

Maintenant que la ville nouvelle est construite, il s’agit de savoir comment on évacuera la vieille, qui ne sera plus bonne à rien, et de quelle manière s’opérera cet immense déménagement de 800,000 hommes.

Sans avoir recours à l’entreprise des petites messageries, M. Charles Duveyrier s’y prendra de la manière suivante.

En ce qui concerne par exemple le onzième et le douzième arrondissement du vieux Paris, M. Charles Duveyrier fera descendre des hauteurs de Sainte-Geneviève et du faubourg Saint-Germain, tous les savans emportant leurs chaires, leurs instrumens, et puis les arbres et les animaux du Jardin des plantes.

Ici quelques objections nous semblent indispensables.

Que M. Tissot charge sur son dos sa chaire de poésie latine, c’est un peu lourd, mais il n’y a rien à dire.

Que M. Desfontaines arrive tenant dans ses mains ses deux palmiers ainsi que deux pots de fleurs, c’est bien encore.

Mais M. Geoffroy Saint-Hilaire pourra-t-il donc raisonnablement prendre la giraffe sous un bras et l’éléphant sous l’autre, comme une chatte et un épagneul ? Au lieu de décider que les savans apporteraient leurs animaux, n’était-il pas au contraire plus convenable de s’arranger pour que les animaux apportassent leurs savans, ou tout au moins pour qu’ils vinssent se portant les uns les autres, à tour de rôle ?

Quant au déménagement des hôpitaux, qui présentait aussi ses difficultés, M. Charles Duveyrier se montre plus humain.

Les vieillards, les malades et les infirmes marcheront tant mal que bien, comme ils pourront, mais au moins il ne leur dit pas « Tolle grabatum tuum et ambula. » Non. Les lits étant pourvus d’excellentes roulettes, rouleront tout seuls en avant et donneront l’exemple.

Une fois son emménagement achevé, l’architecte jette un regard satisfait sur son nouveau Paris. Il admire son œuvre.

Mes rues, s’écrie-t-il, sont sinueuses comme des anneaux qui s’entrelacent.

Et moi je n’admire cela nullement. C’était bien la peine de bâtir une ville nouvelle, pour y faire de pareilles rues. Autant valait garder les quartiers de la halle et de la cité.

M. Charles Duveyrier se félicite aussi de ce que les murs de sa nouvelle ville sont couchés à terre.

C’est fort bien. Mais pour les placer de cette sorte, il était plus simple