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plement exprimée, elle n’en reste pas moins indestructible. Le droit nouveau a été reconnu à la clarté des cieux ; toutes les conséquences n’ont pas été déduites et pratiquées, j’en tombe d’accord ; mais marchons toujours devant nous, en dévorant nos regrets et les obstacles. D’ailleurs, telle est l’inévitable fortune de la vérité, qu’ayant une fois reconquis le sol, elle s’enracine et germe, victorieuse de tous les dépérissemens auxquels on voudrait la condamner.

En principe le pouvoir législatif a triomphé ; mais en réalité, est-il ce qu’il doit être ? Voilà la question.

Le gouvernement représentatif travaille en ce moment à se soumettre l’Europe. L’idée qui l’anime est humaine et générale ; c’est la représentation des droits de tous par l’intelligence des plus dignes qui doivent être choisis par la plus grande majorité possible. Cette idée moderne, inconnue à l’antiquité, a traversé la féodalité, a transigé avec elle, parfois en a subi l’orgueil, les coutumes et les insignes ; elle a fait alliance avec la royauté, a grandi sous son ombre, a quelquefois toléré son despotisme, mais aujourd’hui elle veut s’associer à sa suprématie, et même en quelques pays lui demande la première place. Elle s’est d’abord assise en Angleterre, où en ce moment elle est occupée à s’agrandir ; elle a vivifié les formes de la liberté italienne au moyen âge, les représentations coutumières des cortès d’Espagne et du Portugal ; elle tente aujourd’hui des essais constitutionnels dans toute la Germanie, qui a été son berceau ; européenne, elle a traversé les mers et se développe plus librement qu’ailleurs, dans un monde nouveau où sur-le-champ elle s’est trouvée maîtresse ; en France, après avoir été long-temps partagée entre les parlemens, les états-généraux et la royauté, elle s’est jetée entre les bras du peuple, a soutenu les plus vifs combats, de rudes adversités, et aujourd’hui reconnue reine, demande à régner efficacement, à gouverner sans mensonge : voilà la situation.

Les grandes révolutions veulent être fécondées ; autrement elles sont suivies de catastrophes violentes, qui ensanglantent l’humanité en la dégradant. La portée réelle de la révolution de 1830 est le développement philosophique de l’idée représenta-