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tionales ; nous travaillons à les exalter, à les perfectionner, et non pas à les abolir. Mais quand un grand peuple, dans un autre hémisphère, jouit au sein de ses foyers d’une liberté facile et pratique, la France, toujours ardente à apprendre quelque chose, ne peut se refuser à regarder ce peuple, à moins d’être devenue stupide.

D’ailleurs, notre développement démocratique est une conséquence naturelle de notre histoire. Où sont nos croyances monarchiques ? dans la bière insultée de Louis xiv. Qu’avez-vous fait, messeigneurs, de votre autorité féodale sur les vilains, ou même de votre supériorité nobiliaire sur les bourgeois ? Vos priviléges sont tombés sous les coups de Richelieu et de Molière, de Rousseau et de Lafayette. Quel parti reste-t-il donc à prendre au peuple français, si ce n’est de se contenter de lui-même ? Il faut qu’il se résigne à l’indépendance ; Dieu n’a plus à lui donner que la liberté.

Elle sera longue, peut-être, la période historique où nous nous débrouillerons pour nous établir : comment ? par quels moyens ? par quelles institutions sociales ? Dieu le sait. Dieu qui, dans son invisible grandeur, regarde les hommes se mouvoir à ses pieds, tient en réserve, sous la garde du temps, les destinées des nations ; et quand les nations ont trouvé grâce devant lui par leur courage, il leur envoie les institutions qu’elles méritent, comme des armes divines. Alors, l’instant venu, l’homme animé du souffle de Dieu, artiste inspiré, crée une forme sociale, comme Phidias a créé Minerve. Mais les faveurs célestes ne se prostituent pas à l’indifférence des peuples, et l’athlète dont le courage s’émousserait, verrait tomber sur sa tête, avec le glaive du vainqueur, le mépris du monde et de Dieu.

Ainsi le devoir d’une nation est de marcher devant elle et de se mettre en harmonie avec les opportunités de la fortune, qui n’est pas aveugle. Laissons de côté pour aujourd’hui le souci des formes sociales qui encadreront l’avenir ; constatons bien le fonds, connaissons-nous nous-mêmes, acquérons la conscience de notre caractère, de sa valeur et de sa portée.

Or la France est le résumé vivant de quelques grands peuples qui ont passé sur la terre, et de plus, elle est elle-même. Ces deux