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(Tous sortent) ; nul n’y veut rester, ni petit garçon ni jouvencel,
Il en sort plus de quinze mille,
Bons guerriers, bien armés, beaux et bien courans,
Et en avant des tentes, s’engagent une mêlée, des joûtes, des tournois.

J’omets, pour abréger, la description de la bataille, qui n’a rien de bien particulier, et ne sort guère de la généralité et des lieux communs de ces sortes de descriptions dans les romans carlovingiens. Il suffit de savoir que Simon de Montfort est repoussé dans ses retranchemens par ceux de la ville ; il y a plus d’intérêt et d’individualité dans la suite.

Les deux partis se sont retirés de la bataille,
L’un avec douleur, l’autre avec joie.
Montfort le comte va se désarmer sous un olivier,
Ses damoiseaux et ses écuyers lui ôtent son armure.
Mais Alard de Roissy est là qui lui parle.
« Par Dieu, beau sire comte, fait-il, nous pourrions bien tenir boucherie,
Nous avons tant gagné de chair en tranchant de l’acier,
Qu’il ne vous en coûtera pas un denier,
Pour charger vos engins de guerre avec des cadavres.
Nous en avons aujourd’hui beaucoup plus qu’hier. »
Mais le comte a le cœur si aigre et si noir,
Qu’il ne répond pas un mot, et qu’Alard n’ose plus rien dire.
Ils restent toute cette journée en cet état,
Puis les meilleurs guerriers se mettent aux guettes.
Mais là haut les défenseurs de la forteresse étaient en telle détresse,
Que Lambert de Limoux les rassemble tous dans une salle,
Pour conférer et délibérer avec eux.
« Seigneurs, dit-il, notre situation à tous est la même :
Nous aurons tous égale part de bien et de mal.
Dieu nous a jetés en telle misère,
Que nous souffrons plus qu’une ame d’usurier.
De toutes parts, nuit et jour, les arbalètes et les pierreries
Tirent sur nous (et battent nos murs),
Nos coffres et nos greniers sont vides,
Et de tout le blé du monde nous n’en avons pas un boisseau,
Et nos chevaux sont si affamés,
Qu’ils mangent avidement écorce et bois.
Le comte de Montfort ne peut plus nous délivrer,