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CHRONIQUE DES ALBIGEOIS.

le ton, le sentiment et le caractère du récit. Ce qui est à peine et vaguement indiqué dans la relation latine du moine lettré, se trouve, dans l’écrivain populaire, développé sans beaucoup de méthode, il est vrai, sans beaucoup de précision ni de clarté, mais avec la franchise la plus naïve, avec une multitude de détails et de traits caractéristiques, et de la manière la plus pittoresque et la plus dramatique. — En supprimant le peu de phrases narratives que l’auteur a interposées çà et là, entre les discours qu’il fait tenir aux personnages qui figurent dans cette grande affaire, on aurait une scène, une vraie scène de drame, que l’art pourrait aisément développer, polir, idéaliser, mais dont l’historien se garderait de vouloir adoucir ou retoucher aucun trait. — Sans doute les discours que notre historien met dans la bouche de ses interlocuteurs ne doivent pas être censés littéralement conformes à ceux qui furent réellement tenus ; mais ils doivent en être, pour la plupart, un écho assez fidèle, et tout ce qui s’y trouve d’inventé a été inventé dans le caractère et la situation des discoureurs. Les passions, les intérêts, les sentimens dont ils sont l’expression énergique et naïve, sont bien réellement les sentimens, les passions et les intérêts en jeu dans cette prodigieuse intrigue. En ce sens, ils sont vrais, ils sont historiques, et il n’y en a peut-être pas un qui, s’il n’a été sur les lèvres de celui à qui on l’attribue, n’ait roulé, n’ait retenti mille fois dans son ame.

Tout ce morceau dont je parle est beaucoup trop long pour que je puisse le traduire ici en entier, lors même que je ne voudrais montrer que cet échantillon de l’ouvrage auquel il appartient. Si donc je puis essayer d’en donner une idée, ce n’est qu’en l’abrégeant dans diverses parties, qui perdront peu, ou parfois même gagneront à l’être. — Du reste, ce que je traduirai, je le traduirai aussi fidèlement que possible, et sans chercher volontairement à dissimuler la rudesse d’expressions ou d’idées qui en sont un des caractères.

Pour bien sentir et bien apprécier tout ce morceau et tout ce qu’il y a de vraisemblance historique, même dans les détails dont la vérité ne peut pas être directement affirmée, il faudrait bien connaître tous les personnages qui y sont mis en scène ; il fau-