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CHRONIQUE DES ALBIGEOIS.

Je prendrai les choses, en 1215. À cette époque, Simon de Montfort, ayant gagné, sur le roi d’Aragon et le comte de Toulouse, la fameuse bataille de Murot, dominait dans tous les pays qui avaient appartenu à ce dernier, de la rive droite du Rhône aux Pyrénées. Un concile, tenu à Montpellier par les légats d’Innocent iii, lui avait solennellement adjugé la souveraineté de ces contrées, et en avait déclaré le comte de Toulouse à jamais déchu. Mais cette décision ne pouvait être que provisoire ; elle devait être confirmée par le pape Innocent iii, qui, dans cette vue, et pour divers autres besoins de l’Église, convoqua à Rome, en 1215, un concile général, qui devait être fameux sous le nom de concile de Latran. Le comte de Toulouse, Raymond vi, le comte de Foix et divers autres seigneurs dépossédés par Simon de Montfort et par les légats du pape, s’étaient rendus à Rome pour y solliciter la restitution de leurs états. — Simon y avait envoyé, de son côté, pour faire valoir ses intérêts, son frère Guy ; tous les prélats qui lui avaient adjugé à lui et aux siens les états du comte de Toulouse, se trouvaient aussi là pour faire maintenir leur décision.

Ce fut une cause immense, une cause inouie, plaidée devant le pape Innocent iii par les parties intéressées, les unes, puissances déchues, qui réclamaient contre la violence et la fraude ; les autres, puisances nouvelles, qui demandaient à être maintenues dans leur usurpation.

La violence et la fraude l’emportèrent : Simon de Monfort resta en possession du comté de Toulouse. Mais ce ne fut pas, à ce qu’il paraît, sans répugnance qu’Innocent iii confirma la sentence de ses légats ; il avait été vivement frappé de ce qu’avaient dit pour leur défense les seigneurs dépossédés. Il aurait voulu tempérer jusqu’à un certain point la rigueur de la décision du concile, en pallier l’iniquité.

Le comte de Toulouse avait amené avec lui à Rome, et présenté au pape, son fils, Raymond vii, âgé seulement de quinze ans. Ce jeune homme intéressa vivement, à ce qu’il semble, Innocent iii, par la grâce de ses manières, la vivacité de son esprit, et les périls de sa destinée. Il le retint long-temps seul au-