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CHRONIQUE DES ALBIGEOIS.

tions romanesques, dont il emprunte des comparaisons, des images, des réflexions. Il cite les prophéties de Merlin, le fameux enchanteur breton, et les aventures fabuleuses d’Alexandre. Mais les héros et les hauts faits qui lui viennent le plus souvent à la pensée, sont ceux des guerres contre les Sarrasins d’Espagne : ce sont Roland, Olivier et Charlemagne ; ce sont les amours de ce dernier avec Galiane, la fille du roi Aigoland ; c’est la bataille de Roncevaux.

Parmi ces diverses fables citées par notre historien, et qui se rapportent, pour la plupart, aux parties connues du cycle carlovingien, il y en a quelques-unes dont il n’est point fait mention ailleurs, et qui, à raison de cette particularité, méritent plus d’attention. Telle en est, entre autres, une sur la prise de la ville de Carcassonne par Charlemagne. D’après le romancier connu et cité par notre historien, Charlemagne aurait tenu cette place assiégée tout un hiver et tout un été, sans pouvoir la prendre ; il aurait donc levé le siége et serait parti pour aller conquérir l’Espagne. Mais aussitôt après son départ, les tours de Carcassonne se seraient d’elles-mêmes inclinées et courbées en son honneur, de sorte qu’à son retour d’Espagne, il aurait occupé la ville sans avoir besoin d’en faire le siége une seconde fois.

Enfin on trouve, dans notre historien, des traits qui constatent qu’il y avait dans le midi des fables ou des épisodes romanesques du cycle carlovingien, tellement populaires et si souvent répétés, qu’on les citait par manière de proverbes à propos des choses devenues ennuyeuses et importunes, à force d’être rebattues. Telle devait être je ne sais quelle chanson sur Aude la Belle, la fiancée de Roland, qui mourut de douleur en apprenant que le paladin avait été tué à Roncevaux. — L’historien des Albigeois parlant d’une prédiction faite à ces derniers, par Folquet, évêque de Toulouse, conjointement avec l’abbé de Citeaux, et voulant dire que les hérétiques se moquaient d’eux, s’exprime de la sorte :

« Pour chose qu’ils prêchassent, les hérétiques ne les écoutaient pas : bien loin de là ; allons ! encore Aude la Belle, disaient-ils par moquerie. »