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DE LA CHINE.

un surtout, le Dictionnaire impérial de Kanghi, fait sur un plan analogue à celui de Johnson et de la Crusca, n’est pas inférieur à ces modèles de la lexicographie européenne, les Chinois n’ont pas de grammaire de leur propre langue. On le conçoit d’après la nature de cette langue ; ils apprennent une partie de ses règles en apprenant à parler, et l’autre en apprenant à écrire. Dès 1812, M. Rémusat avait placé à la suite du Plan d’un Dictionnaire chinois, dont j’ai parlé, un plan de grammaire chinoise plus vaste que celui qu’il a rempli, mais dans lequel, obéissant à une disposition d’esprit que j’ai déjà signalée en lui à cette époque, il donnait une trop grande place aux variations de la prononciation et de l’écriture. Ce plan était précédé d’un compte-rendu succinct des travaux européens sur la grammaire chinoise ; il y jugeait ces travaux avec impartialité, ne négligeant pas les anecdotes qui pouvaient amuser la malice de son esprit. Dans cette notice, telle qu’elle a été insérée par son auteur dans les Mélanges asiatiques, on peut voir comment le grave Fourmont, qui, à l’en croire, avait tiré tout ce qu’il savait des livres chinois lus et pénétrés à force de travail et comme par divination, s’était toutefois aidé de la grammaire d’un père Varo qu’il eut l’audace de publier sous son nom, quoiqu’il n’eût eu d’autre peine que de la traduire d’espagnol en français et de français en latin. On est confondu de la candeur effrontée avec laquelle Fourmont raconte que lui et un père Horace de Costerano s’exprimèrent réciproquement leur étonnement de l’extrême ressemblance de leurs deux ouvrages. Il y avait à cela une explication bien simple qu’a mise en lumière M. Rémusat, c’est que le père Horace avait, comme Fourmont, pillé le père Varo, et mes bons savans admiraient la similitude de deux copies, faites sur le même original. Cependant ils devaient connaître cet axiome des mathématiques élémentaires : deux quantités semblables à une troisième sont semblables entre elles.

Le procédé de Fourmont, au sujet de la grammaire du père Prémare, n’est pas non plus très-édifiant. Voici le fait : le père Prémare, un des plus savans missionnaires, avait envoyé, de la Chine à Fourmont, une grammaire de sa composition. L’arrivée de cet ouvrage, qui pouvait être d’un grand secours à Fourmont,