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DE LA CHINE.

la première livraison du dictionnaire de Morrison parut, M. Rémusat se hâta de rendre cet hommage à son auteur. « Le lexicographe anglais pourrait adopter la brochure du Français pour le prospectus de son travail, et en réalisant les vues qui y sont présentées, dire comme l’architecte athénien : Ce qu’il a proposé, je le ferai. »

Mais les difficultés d’une si vaste entreprise ne tardèrent pas à se faire sentir, et il faut avouer que le révérend missionnaire ne fit pas de grands efforts pour les surmonter. L’écueil à éviter était l’abondance même des matières qu’il avait à coordonner. M. Morrison parut prendre plaisir à faire cette difficulté plus grande qu’elle n’était naturellement ; car, dans la seconde livraison, il se mit à insérer, au lieu d’articles, de véritables traités, de sorte que son dictionnaire tournait à l’encyclopédie. Ainsi, il ajouta à l’explication du caractère hio, étude, un article qui occupe quatre-vingts colonnes in-quarto, où il fit entrer tout ce qu’il avait pu recueillir de curieux sur la manière dont les Chinois font leurs études, et sur le système d’examen établi au huitième siècle, d’après lequel on choisit les lettrés pour occuper toutes les places de l’administration. M. Rémusat louait M. Morrison d’être entré dans quelques détails à ce sujet. Quoi de plus frappant, en effet, qu’un grand pays de l’Orient sans pouvoir sacerdotal et presque sans aristocratie militaire, qui est gouverné par un corps toujours mobile de gens de lettres, où toutes les fonctions publiques se donnent d’après des examens de morale, et sont mises au concours de la science ? Mais il faut avouer, comme M. Rémusat en convient aussi, que ces détails, tout intéressans qu’il sont en eux-mêmes, étaient fort déplacés dans un dictionnaire ; il est vrai que M. Morrison ne mérita pas long-temps le reproche de trop développer les articles du sien ; se fatiguant tout à coup de son immense travail, il passa brusquement de cet excès de richesse à un autre excès beaucoup plus fâcheux, et la maigreur extrême de la troisième partie de son dictionnaire par clefs égala l’ampleur outrée de la seconde. Ainsi le plan tracé par M. Rémusat n’a pas été rempli, peut-être ne pouvait-il pas l’être ; espérons qu’il est réservé à celui qui lui a succédé dans l’enseignement de nous donner un dictionnaire complet, ce qui peut s’obtenir en renonçant à