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GÉRARD DE ROUSSILLON.

vez que méchantes pensées dans le cœur. Vous aurez la bataille, puisque vous l’avez voulue ; mais gardez-vous d’y rencontrer Fouchier : il n’y a point d’épervier plus redoutable aux cailles que lui à ses adversaires. S’il a de l’or et de l’argent, il ne l’a point enlevé à pauvres passagers, à bourgeois, à vilains, ni à marchands, mais à des barons avares et usuriers, seigneurs de quatre ou cinq châteaux. Ceux-là n’ont ni cachette si profonde, ni coffre d’acier où leur trésor soit à l’abri de Fouchier. C’est à ceux-là qu’il prend de quoi donner et dépenser largement. »

Cette scène, pleine de mouvement, peint avec énergie et vérité la diplomatie un peu sauvage, mais du moins ouverte et directe, des temps féodaux, et la brusque franchise avec laquelle les vassaux parlaient souvent à leur chef.

Parmi les nombreux héros des romans carlovingiens, il n’y en a peut-être pas de plus célèbre et de plus populaire que Gérard. Sous les noms divers de Gérard de Roussillon, de Gérard de Vienne et de Fretta, il figure diversement et avec plus ou moins d’éclat dans presque tous ces romans.

Dans celui de Roncevaux, il est compris au nombre des paladins de Charlemagne, et périt de la main du fameux roi sarrasin Marsile. Dans le roman de Gaydon, qui est censé faire suite à celui de Roncevaux, il ressuscite pour briller à nouveaux frais entre les douze pairs. L’auteur du grand roman du Loherain donne Gérard de Roussillon pour mort à la suite d’une irruption des Sarrasins en Champagne. Mais Gérard reparaît dans le roman célèbre de Renaud de Montauban, et dans cet autre roman cyclique si populaire en Italie, sous le titre des Réali di Francia. Enfin on le voit, dans celui d’Aspremont, âgé de cent-vingt ou trente ans, et pourtant capable encore de prendre une partie très-active à l’expédition contre les Sarrasins d’Italie, et en partagea la gloire avec Charlemagne.

Tous ces romans, où il ne figure qu’en sous ordre ou épisodiquement, en supposent de toute nécessité beaucoup d’autres dont il était le héros principal, et qui sont aujourd’hui perdus, à l’exception de trois, dont l’un est celui en provençal dont je viens de vous parler. Les deux autres sont en français.