Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/306

Cette page a été validée par deux contributeurs.
300
REVUE DES DEUX MONDES.

Pauvre homme, lui répond la reine, que savez-vous de Gérard, et qu’est-il devenu ?

— Reine, dites-moi d’abord une chose, reprend Gérard : par le Dieu que vous adorez, par les saints que vous priez, que feriez-vous, dites-moi, de Gérard, si vous le teniez en votre puissance ? — Pauvre homme, dit la reine, c’est grande hardiesse à vous de me faire pareille question. Néanmoins, sachez que je donnerais quatre villes, pour que le comte Gérard fût vivant, et eût recouvré les terres et les honneurs qu’il a perdus. — À ces mots, Gérard lui présente son anneau, en se nommant. La reine le considère de plus près et le reconnaît. Il n’y eut plus alors de vendredi-saint pour elle, s’écrie naïvement le vieux poète romancier, et Gérard fut baisé cent fois sur la place. Après bien des questions faites à la hâte, et des réponses également pressées, la reine appelle un prêtre qui lui est dévoué, et met jusqu’à nouvel ordre Gérard sous sa garde.

À partir de là, la suite du roman, y compris le dénouement, est extrêmement obscure et présente peut-être des lacunes. On voit seulement qu’à force de zèle, d’adresse et de caresses, la reine dispose peu à peu le roi à faire grâce à Gérard, et à souffrir qu’il rentre dans la jouissance de ses domaines. Mais elle sent que son ami, son chevalier, serait trop humilié, s’il devait uniquement ce retour de fortune à la clémence du roi ; aussi, tout en négociant pour lui auprès de son époux, l’aide-t-elle de tout son pouvoir à se faire un parti à la tête duquel il a bientôt recouvré de vive force son bon château de Roussillon, et la plus grande partie de ses anciennes possessions. — Charles, apprenant ces nouvelles, en est indigné : il a un accès de sa vieille haine contre Gérard, et la guerre est un moment sur le point de se rallumer. Mais la reine s’interpose, avec son adresse et son autorité ordinaires, entre les deux adversaires, et les détermine à conclure une trêve de sept ans, durant laquelle elle espère que s’effaceront les anciennes inimitiés. Ses prévisions ne sont point trompées, et Gérard meurt paisiblement dans son château de Roussillon.

Tel est, isolé de ses développemens, de ses accessoires, et réduit à ses données fondamentales, le roman provençal de Gérard