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GÉRARD DE ROUSSILLON.

sion était venue. Le perfide livre de nuit, à Charles Martel, une des portes du château, qui est aussitôt occupée par ses troupes impériales. C’est avec peine et blessé grièvement que Gérard s’échappe à cheval.

Il se retire à Avignon : là le joignent les forces qu’il avait déjà convoquées, et à la tête desquelles il se met en campagne : il reprend Roussillon et bat complètement Charles, qui s’enfuit, avec le peu d’hommes qui lui restent, à Orléans, où il fait en toute hâte de grands préparatifs pour prendre sa revanche.

Informé de ces préparatifs, Gérard délibère avec ses vassaux sur le parti qu’il doit prendre. Il est décidé qu’un message sera envoyé au roi pour lui exposer que Gérard n’a point manqué à son devoir de vassal, qu’il n’a fait que reprendre de force ce qui étant reconnu pour sien, lui avait été enlevé par trahison ; qu’il désire la paix, mais que, si on lui fait la guerre, il se défendra de tout son pouvoir. Foulques, un des neveux de Gérard, chargé du message, s’en acquitte avec une fierté qui ne fait qu’accroître le dépit et la colère du roi. On se défie de part et d’autre, et les deux partis se donnent rendez-vous dans la plaine de Vaubeton en Bourgogne. Là, la victoire décidera du droit, et le vaincu, selon l’expression du vieux poète, n’aura plus qu’à prendre un bourdon de pélerin, et à passer outre mer pour ne plus revenir.

Les deux armées, fidèles au rendez-vous, se livrent une bataille sanglante. La victoire n’était point encore déclarée lorsque les combattans sont séparés par un prodige qui change leur fureur en épouvante. L’enseigne royale paraît subitement toute en feu, et une pluie de tisons ardens tombe de celle de Gérard. La mêlée cesse, les combattans se retirent, chacun de son côté, et la guerre est un moment suspendue par un signe si manifeste de la colère du ciel ; les deux adversaires, passagèrement réconciliés, réunissent leurs forces contre les Sarrasins, qui viennent de faire irruption en-deçà des Pyrénées, et remportent sur eux de grandes victoires.

Mais la concorde ne devait pas être longue entre deux chefs ombrageux, jaloux l’un de l’autre, et le moindre incident pou-