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GÉRARD DE ROUSSILLON.

parti puissant. Cette guerre, commencée, suspendue et reprise plusieurs fois, est très-mal racontée par les historiens du temps, historiens qui ne racontent rien exactement ni complètement. Il est seulement constaté que les armées de Charles-le-Chauve furent plus d’une fois battues et repoussées par Gérard. Mais à la fin, la fortune se déclara pour le roi contre le chef adroit, qui, tout en paraissant soutenir la cause des enfans de Lothaire, son ancien seigneur, ne défendait en effet que la sienne propre.

En 869, Charles-le-Chauve envahit brusquement le royaume de Provence avec de grandes forces, assiégeant en même temps et Gérard dans une de ses forteresses que l’histoire ne nomme pas, et Berthe, la femme de Gérard, dans Vienne. Berthe était une héroïne digne de son époux : elle soutint bravement le siége, et aurait, selon toute apparence, repoussé toutes les attaques de Charles, si les habitans avaient répondu à ses exhortations ; mais ils craignaient les suites d’un assaut, et obligèrent Berthe à rendre la ville au roi. Gérard, ayant perdu sa capitale, et selon toute apparence, essuyé d’autres échecs dont l’histoire ne parle pas, abandonna la Provence à son adversaire, et se retira en Bourgogne, dans son château de Roussillon, où il mourut vers 878 ou 879.

Voilà le peu que l’on sait de positif sur Gérard de Roussillon, et sur sa longue lutte avec Charles-le-Chauve ; c’est cette lutte même qui fait le sujet du roman provençal de Gérard. Mais le romancier, qui, comme tous ses pareils, n’avait des événemens qu’il voulait célébrer que des notions traditionnelles, on ne peut plus imparfaites et plus grossières, a fait de lourdes méprises dans la portion historique de son sujet. Je n’en citerai qu’une dont il est bon d’être prévenu d’avance, afin de n’en être pas trop choqué. À Charles-le-Chauve il a substitué Charles Martel ; c’est avec ce dernier qu’il met son héros en conflit.

On ne connaît du roman de Gérard de Roussillon, en provençal, qu’un seul manuscrit incomplet par le commencement. J’ai tout lieu de croire que cet ouvrage, tel que nous l’avons aujourd’hui dans le manuscrit unique dont il s’agit, est moins une composition régulière et suivie que le recueil assez mal coor-