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Quoi qu’il en soit, et de quelque manière que l’on explique cette singularité, la légende de Raimond du Bousquet, prise en elle-même et dans son ensemble, est évidemment l’extrait d’une fiction romanesque inventée dans l’intention de plaire et d’amuser et dont l’intérêt reposait principalement sur l’admiration et la curiosité qu’inspiraient alors les Arabes d’Espagne à tous les peuples de leur voisinage, et particulièrement à ceux du midi de la France, qui n’avaient plus guère avec eux que des relations volontaires de commerce et d’affaires. Je n’hésite donc point à citer cette fiction comme une nouvelle preuve de l’influence que les Arabes andalousiens exercèrent directement ou indirectement sur l’imagination de ces derniers.

Elle est plus curieuse encore à citer en confirmation de l’espèce de filiation par laquelle j’ai montré ailleurs que les premières tentatives littéraires du moyen âge remontent et se rattachent aux réminiscences, aux traditions de la littérature classique. Ici, l’antique et le nouveau, le dernier écho de l’épopée païenne et les premiers bégaiemens de l’épopée chrétienne et chevaleresque, sont encore confondus. Mais c’est un pur accident : il existait déjà alors des légendes, des chants épiques où la transition était complète, et dont le développement ou l’assemblage devait donner des épopées de tout point originales et distinctes de celles de l’antiquité.