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REVUE DE VOYAGES.

de lui qu’il avait repassé sur les traces de M. de Humboldt, de l’Orénoque dans le fleuve des Amazones. Sa mémoire le servait mal ; les noms d’Aturès, de Maypurès, de Cassiquiare, etc., familiers à quiconque a lu le voyage de M. de Humboldt, paraissaient lui être inconnus, et je fus plusieurs fois obligé, dans le cours de la conversation, de mettre fin à son hésitation en les prononçant moi-même.

Bientôt des Français, arrivés par terre de Montevideo, donnèrent de nouveaux renseignemens sur M. Douville. On apprit par eux qu’il y était arrivé vers le milieu du mois d’octobre, sur le brick le Jules, capitaine Decombes, parti du Havre le 7 août 1826. Sa conduite, pendant la traversée, avait été loin d’être louable : il se plaignait sans cesse de la mesquinerie avec laquelle on traitait un homme comme lui, accoutumé à passer sur des bâtimens de guerre, et reprochait surtout au capitaine d’avoir laissé engager dans la cale du navire, avec les marchandises de la cargaison, une caisse contenant ses instrumens, ce qui l’empêchait, disait-il, de faire des observations astronomiques. À l’arrivée à Montevideo, les effets des passagers furent visités à la douane, suivant la coutume ; la précieuse caisse fut ouverte, et présenta, pour tout instrument, un cabaret de porcelaine en assez mauvais état, et quelques autres objets de même nature. M. Douville descendit à la Fonda de las Cuatro Naciones (Hôtel des Quatre Nations), tenue par un Français nommé M. Himonnet. Ce dernier, bon homme au fond, quoique assez peu traitable, crut s’apercevoir un jour que son hôte se préparait à sortir un peu trop brusquement de chez lui, et poussa l’impolitesse jusqu’à le tenir en charte-privée ; cependant M. Cavaillon, vice-consul de France à Montevideo, parvint à le tirer de son erreur. C’est à la suite de cette affaire que notre voyageur s’adressa, au nom des sciences, à l’amiral brésilien, Pinto Guedez, pour être conduit, sur un bâtiment de guerre, à Buenos-Ayres, faveur que lui accorda l’amiral.

Il est inutile de dire l’effet que produisirent ces renseignemens sur l’opinion publique à Buenos-Ayres. M. Douville avait d’abord fait semblant de s’occuper de quelques recherches scientifiques[1], qu’il abandonna bientôt pour se livrer à une industrie

  1. Entre autres découvertes intéressantes, M. Douville crut, un jour, avoir