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vile. On leur dore la tombe autant que possible. C’est bien ! Que l’on écrive encore sur le monument des défunts : « Aux grands ministres de l’intérieur, des finances, des affaires étrangères et de l’instruction publique, l’Europe reconnaissante. »

Au surplus, en cette saison d’automne, en ce triste mois d’octobre, tous les ministères du monde semblent vouloir se flétrir et tomber comme les feuilles de nos arbres.

Ferdinand vii vient aussi de renouveler son cabinet. Pour éprouver ses fidèles conseillers, le rusé monarque s’était avisé de faire le mort comme Argan dans le Malade imaginaire. Grâce à ce stratagème, ayant pu juger sainement du dévouement de ses favoris, il leur a rendu pleine justice selon leurs mérites.

Mais en Espagne, les choses ne se passent pas avec autant de courtoisie que chez nous. Nous exilons au Luxembourg les ministres disgrâciés. De Madrid, c’est un peu plus loin ; c’est à Burgos qu’on les envoie. Heureux encore ceux qui s’en tirent de cette façon !

Il est encore fortement question d’un remaniement du ministère anglais. Puisse M. de Talleyrand, qui n’a voulu partir de Paris qu’après avoir vu s’écrouler le nôtre, ne pas arriver à Londres pour assister à la chute de celui de lord Grey !

C’est qu’en effet le sceptre de ce fondateur de la réforme pourrait bien être avant peu brisé par la réforme elle-même.

Assurément du moins, quand notre ambassadeur de sinistre augure va descendre et reparaître à son hôtel, on dira dans le Hanover Square « Oh ! oh ! voici M. de Talleyrand ! Détrône-t-on quelqu’un ici ? »

Le premier acte de notre nouveau ministère a été de lancer dans la chambre des pairs soixante nouveaux membres. Il était temps, en effet, de repeupler quelque peu la salle du Luxembourg. En dépit de toutes les fournées passées, ses bancs étaient encore une fois déserts. Vraiment (que l’on nous passe cette vieille comparaison mythologique) cette Chambre est comme le tonneau des Danaïdes ; on a beau la remplir de pairs, elle est toujours vide.

Nous avons pu faire ces jours derniers un rapprochement bien honorable pour notre moralité, et qui l’est fort peu pour celle de nos voisins de l’autre côté de la Manche. Les crimes paraissent devenir si rares en ce moment chez nous, que les bourreaux ne nous servent presque plus à rien, et que l’on a dû récemment mettre à la réforme et à la demi-solde quelques-uns de ces estimables fonctionnaires. C’est le contraire qui arrive maintenant en Angleterre, et les exécuteurs des hautes-œuvres ne peuvent y suffire à leur besogne.