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REVUE DES DEUX MONDES.

appel. Donne-la-moi pour épouse, ou je l’aurai pour maîtresse. Je porte à ma ceinture tout ce qu’il te faut pour écrire. La lune est assez belle pour te servir de flambeau : écris ce que je vais te dire, et signe ce papier de ton cachet ; je me charge du reste.

Le vieillard prit en tremblant le calame que l’étranger lui présenta, et il écrivit sous sa dictée une lettre à sa chère Ildiz, à laquelle il ordonnait d’épouser sans délai Hamdoun-Effendi, et sans attendre pour cela son retour.

Hamdoun arracha la lettre des mains du vieillard.

— Ali-Ahmed, je suis content de toi ; mais il n’est pas juste que je sois seul à profiter de ta libéralité. Vois ce jeune homme, ajouta-t-il en désignant Zahed, qui attendait avec la patience d’un Arabe le résultat de cette scène. Tu vas le venger aussi des rigueurs du sort, et lui faire un abandon écrit et signé de tout l’argent que tes créatures gardent en ce moment dans ton comptoir de Baghdad.

Ali-Ahmed laissa tomber sur Hamdoun un regard de mépris et de pitié ; sans daigner lui répondre, il reprit le calame et l’écritoire des mains du jeune homme, et jeta devant lui la donation qu’il lui avait demandée.

— Que le ciel te récompense comme tu le mérites, Hamdoun ! Est-ce là tout ce que tu veux de moi ?

— En effet, dit Hamdoun d’une voix sourde et terrible, il est temps que nous nous séparions, mais ce n’est pas à Baghdad ni à Damas que tu retourneras ; je te l’ai dit, il faut te préparer à un plus long voyage ; puisque tu fais des vœux pour mon bonheur, tu dois bien deviner que ta mort est le premier, le plus cher de tous mes souhaits. As-tu fait tes ablutions et ta prière à Dieu ? En disant ces mots, Hamdoun tira son sabre hors du fourreau.

— Misérable ! cria le vieillard en posant ses deux mains sur sa tête, en signe de miséricorde ; oserais-tu bien encore m’assassiner ?

— Veux-tu de l’eau, répéta Hamdoun, pour faire tes ablutions ?

— Que le prophète m’assiste, murmura Ali-Ahmed ! Adieu, ma fille !