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ROMANS PROVENÇAUX.

du xiiie siècle. Mais il renferme diverses traditions historiques qui semblent remonter jusqu’à l’époque même de la domination arabe en Septimanie. Il y est question, par exemple, d’émirs ou de rois sarrasins de différentes villes de cette contrée, d’Uzès, de Nîmes, de Lodève, de Beziers, etc., c’est-à-dire précisément de toutes les villes où il est constaté que les dominateurs musulmans eurent des officiers civils et militaires. C’est à ma connaissance l’unique vestige qui existe, dans notre histoire, d’une statistique de la Septimanie sous les Arabes.

Le président de Fontette cite, comme ayant appartenu à M. de Galaup, noble Provençal qui avait formé un recueil intéressant de curiosités littéraires, un roman épique, selon toute apparence, beaucoup plus important que tous ceux dont je viens de faire mention. Il roulait sur les guerres que Charlemagne était supposé avoir faites contre les Arabes, en Provence, aux environs d’Arles ; et il paraît que l’un des principaux incidens de ces guerres était le siége d’une ville de Fretta, fameuse dans les romans carlovingiens, et que l’on suppose être la même que celle de Saint-Remy.

Enfin, les troubadours aussi font allusion à des romans épiques en provençal, qui furent de même des extensions ou des variantes de l’épopée carlovingienne. Ils font allusion, par exemple, à des récits fabuleux sur la longue et dure captivité de Charlemagne en Espagne.

Vous le voyez, et c’est un fait qu’il n’y a pas moyen de méconnaître, le cycle de l’épopée carlovingienne a été plus large et plus complexe dans la poésie provençale que dans la poésie française. C’est dire, en d’autres termes, qu’il était plus original et plus ancien dans la première que dans celle-ci ; car c’est, en général, dans les contrées où les traditions et les fictions poétiques ont eu le plus de développemens et de variantes, qu’il faut en chercher le berceau.

Un fait particulier qui me paraît coïncider avec les faits littéraires, pour prouver que les romans héroïques du cycle carlovingien furent plus répandus et plus populaires au midi qu’au nord, c’est qu’il y eut, dans le premier, plus de monumens et