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ROMANS PROVENÇAUX.

où le costume, la géographie et l’histoire sont violés avec une licence souvent si gratuite, qu’elle a l’air d’être volontaire et systématique.

Toutefois la chose n’est pas impossible. Il y a, par exemple, dans les romans français du cycle particulier de Guillaume-au-court-Nez, des particularités qui témoignent clairement qu’ils ont dû être, pour la plupart, primitivement composés dans le midi et en provençal. Un aperçu de l’histoire de ces romans, si incomplet qu’il doive être, tient de si près à la question présente, qu’il me paraît devoir l’éclaircir un peu.

Guillaume, surnommé le Pieux, fut, comme vous le savez tous, un ancien chef, probablement de race franke, auquel Charlemagne donna le commandement militaire du royaume d’Aquitaine, en 783, dans un moment où ce royaume était fortement menacé, d’un côté par les Arabes, de l’autre par les populations basques, vraisemblablement alors alliées avec les Arabes. Guillaume justifia les espérances de Charlemagne et se conduisit en héros. Il repoussa ou contint les Basques dans les Pyrénées. Il perdit, il est vrai, contre les Arabes, la sanglante bataille d’Orbiek, près de Narbonne ; mais il en eut plus tard mainte revanche glorieuse, et finit par porter les armes aquitaines au-delà des Pyrénées. Il prit, à la suite d’un siége mémorable, l’importante ville de Barcelonne, dont la conquête devait entraîner celle de la Catalogne entière.

Dans le cours rapide de ces guerres avec les Arabes, Guillaume se fit une renommée populaire de bravoure, et fut célébré par toutes les populations voisines des Pyrénées, comme le héros et le sauveur du pays. Cependant, bientôt dégoûté de la gloire et du monde, il se retira, en 805, dans un désert des Cévennes, où il fonda un monastère qui prit son nom, et dans lequel il mourut, sous l’habit de moine, on ne sait bien à quelle époque.

Les populations du midi composèrent sur les exploits, les fatigues, les traverses et la retraite pieuse de ce brave chef, divers chants épiques qui se conservèrent long-temps par tradition, et qui, comme tous les chants de cette espèce, de vaguement