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histoire de Charles, et dont il indique rapidement, en ces termes, les circonstances principales : « (Là est raconté) comment Charles, par sa valeur, entra de force en Espagne ; comment, à Roncevaux, les xii compagnons frappèrent force coups mortels, et périrent ensuite, injustement livrés par Ganelon le traître à l’émir (d’Espagne) et au bon roi Marsile. »

C’est là un résumé aussi fidèle qu’il peut l’être en si peu de lignes, du roman français de Roncevaux.

Il me reste à signaler les allusions faites par les troubadours aux compositions romanesques de leur littérature ayant pour sujet les exploits d’Aymeric de Narbonne et de Guillaume-au-court-Nez contre les Sarrasins d’Espagne.

Il n’y a rien de particulier à en dire : il en est de celles-là comme des précédentes. Elles sont assez nombreuses, assez variées, assez précises, pour démontrer les plus grands rapports entre les romans provençaux auxquels elles s’appliquaient, et les romans français que nous connaissons sur les mêmes personnages. Elles témoignent hautement qu’Aymeric de Narbonne, Arnaut de Berlande et surtout Guillaume-au-court-Nez furent pour tout le midi de la France des héros presqu’aussi populaires que Roland lui-même. Il y est question du siége d’Orange par les Sarrasins, de tout ce que le preux Guillaume eut à souffrir durant ce siége, du secours qu’il fut obligé d’aller demander à Louis-le-Débonnaire, et à la tête duquel il revint battre les infidèles ; en un mot, de tout ce qu’il y a de plus important et de plus longuement développé dans le roman français de Guillaume-au-court-Nez.

Personne, je le présume, ne se figurera que les romans auxquels les troubadours songeaient dans ces allusions, fussent des romans français, ou en tout autre langue que le provençal : l’hypothèse serait par trop aventurée. Les populations, les classes auxquelles s’adressaient les pièces de poésie qui contiennent ces allusions, n’avaient, aux époques dont il s’agit, aucune connaissance du français, ni le moindre motif de le savoir. Ce serait un fait inoui, inconcevable, que des allusions si fréquentes, si familières, se rapportassent à des compositions en une autre langue